Rapport de consultation Programme d’aides visuelles

Sommaire

Introduction. 4

Faits saillants. 5

Restrictions liées aux aides visuelles assurées par le programme. 5

Non-couverture du téléphone intelligent comme aide visuelle. 6

Formation insuffisante à l’utilisation des aides visuelles. 6

Insuffisance des allocations pour chien-guide. 6

Difficultés liées à l’accès au programme. 6

Programmes connexes. 6

Méthodologie. 7

Résultats de la consultation. 7

Profil démographique des répondants. 7

Restrictions liées aux aides visuelles assurées par le programme. 11

Restrictions liées aux types d’aides visuelles assurées. 11

Restrictions liées au mode de communication. 12

Restrictions liées au renouvellement des aides visuelles. 13

Restrictions liées aux nouvelles technologies. 15

Restrictions liées à la mise à jour des appareils électroniques et des logiciels adaptés. 16

Restrictions liées aux aides à attribution unique. 17

Restrictions liées au statut des bénéficiaires. 17

Restrictions liées aux aides visuelles « non essentielles ». 19

Autres besoins non comblés. 19

Non-couverture du téléphone intelligent comme aide visuelle. 20

Formation insuffisante à l’utilisation des aides visuelles. 23

Par le centre de réadaptation. 23

Référence vers des organismes externes. 23

Insuffisance des allocations pour chien-guide. 24

Montant pour l’acquisition d’un chien-guide. 24

Montant annuel pour l’entretien d’un chien-guide. 24

Difficultés liées à l’accès au programme. 25

Manque d’information sur les aides disponibles. 25

Lourdeur administrative. 26

Iniquités dans l’attribution des aides. 27

Méconnaissance du programme d’assurance pour les aides visuelles. 27

Programmes connexes. 27

Programme de prothèses oculaires. 27

Programme d’aides auditives. 28

Conclusion. 28

Documents consultés. 29

Introduction

Le programme d’aides visuelles et des services afférents assurés permet aux personnes couvertes par le régime d’assurance maladie du Québec ayant une limitation visuelle de bénéficier d’un prêt d’aides visuelles et d’allocations pour un chien-guide. Ces aides visent à compenser une perte de vision, et ainsi à éviter que les personnes engagent des frais supplémentaires pour accomplir leurs activités essentielles en raison de leur limitation visuelle. Les besoins essentiels couverts par le programme sont la lecture, l’écriture, la mobilité, l’orientation et les activités de la vie quotidienne et de la vie domestique. Les conditions d’attribution des aides visuelles sont quant à elles définies dans le Règlement sur les aides visuelles et les services afférents assurés, dont la dernière révision remonte à 2011.

Dans le cadre de sa réflexion sur la mise à jour de ce règlement, le comité Réadaptation du Regroupement des aveugles et amblyopes du Québec a réalisé une consultation s’adressant aux adultes ayant une limitation visuelle. L’objectif était d’en savoir davantage sur leur perception du règlement depuis sa dernière révision. Les données issues de cette consultation permettront au RAAQ de formuler des revendications dans le but d’actualiser et d’améliorer le programme.

Les problématiques soulevées par les répondants sont en effet nombreuses : restrictions considérables liées aux aides visuelles qui peuvent être assurées par le programme, non-couverture du téléphone intelligent comme aide visuelle, formation insuffisante à l’utilisation des aides visuelles, insuffisance des allocations pour chien-guide, difficultés liées à l’accès au programme et méconnaissance du programme d’assurance pour les aides visuelles. Des enjeux ont aussi été soulevés au sujet du programme de prothèses oculaires.

Faits saillants

Restrictions liées aux aides visuelles assurées par le programme

  • Le fait que le programme n’assure qu’une seule aide visuelle comprise dans un même type limite l’accès à des aides complémentaires, et contraint les bénéficiaires à faire un choix.
  • La fréquence à laquelle les aides sont renouvelées ne répond pas aux besoins des bénéficiaires, notamment en ce qui concerne les cannes blanches et les embouts.
  • Le fait que le programme favorise d’une part le prêt d’une aide usagée au prêt d’une aide neuve, et, d’autre part, le prêt de l’aide à moindre coût fait en sorte que les bénéficiaires doivent se contenter de technologies moins performantes ou moins fonctionnelles. Les aides prêtées ne suivent donc pas l’évolution de la technologie.
  • L’impossibilité de procéder à la mise à jour d’un logiciel prêté empêche les bénéficiaires d’avoir accès aux nouvelles fonctionnalités.
  • Certaines aides sont à attribution unique, ce qui en limite l’accès.
  • Le statut des personnes (étudiant, travailleur ou autre) limite injustement l’accès à certaines aides visuelles, notamment celles adaptées au braille.
  • Le programme ne couvre que les aides visuelles destinées à combler des besoins dits essentiels, ce qui n’inclut pas le matériel adapté pour les loisirs.
  • L’exclusion des aides visuelles valant moins de 20 $ peut en limiter l’accès aux personnes dont les revenus sont modestes.

Non-couverture du téléphone intelligent comme aide visuelle

  • Des applications remplacent désormais certaines aides visuelles couvertes par le programme pour la réalisation d’activités essentielles de la vie quotidienne ; or, les bénéficiaires doivent assumer les coûts d’acquisition d’un téléphone intelligent.

Formation insuffisante à l’utilisation des aides visuelles

  • La formation à l’utilisation des aides visuelles par les centres de réadaptation est inadéquate, de sorte que les bénéficiaires sont susceptibles de ne pas les utiliser à leur plein potentiel.

Insuffisance des allocations pour chien-guide

  • Les montants alloués pour l’acquisition et l’entretien annuel d’un chien-guide sont insuffisants, et les personnes doivent donc assumer une partie des frais.

Difficultés liées à l’accès au programme

  • Beaucoup de répondants ne sont pas au courant des aides visuelles auxquelles ils ont droit, et dénoncent les lourdeurs administratives du programme.

Programmes connexes

  • Les montants accordés pour l’achat et l’entretien d’une prothèse oculaire, dans le cadre du programme de prothèses oculaires, sont largement insuffisants.

Méthodologie

Nombre de répondants 177 personnes âgées de 18 ans et plus
Période de consultation Janvier 2022
Type de consultation Sondage
Type de questions Questions à choix multiples et questions ouvertes

Résultats de la consultation

Profil démographique des répondants

Proportion de répondants par région

Bas-Saint-Laurent 2 %
Saguenay–Lac-Saint-Jean  0 %
Capitale-Nationale  13 %
Mauricie  1 %
Estrie  5 %
Montréal  9 %
Outaouais  12 %
Abitibi-Témiscamingue  6 %
Côte-Nord 0 %
Nord-du-Québec 0 %
Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine  3 %
Chaudière-Appalaches  5 %
Laval 2 %
Lanaudière  10 %
Laurentides  0 %
Montérégie  20 %
Centre-du-Québec  0 %
Inconnu 14 %

Proportion de répondants par type de milieu

Urbain  74 %
Semi-urbain  12 %
Rural  10 %
Inconnu 3 %

Proportion de répondants par genre

Femme  59 %
Homme 34 %
Autre  1 %
Inconnu 6 %

Proportion des répondants par tranche d’âge

18 à 24 ans 5 %
25 à 64 ans  51 %
65 ans et plus  37 %
Inconnu  7 %

Proportion des répondants par statut (plusieurs réponses possibles)

Étudiant 5 %
Travailleur 27 %
En recherche d’emploi 2 %
Bénévole 16 %
Retraité 50 %
Autre 11 %

Proportion des répondants par niveau de vision

Basse vision/fonctionnellement voyant         35         %
Fonctionnellement aveugle avec un résidu visuel  30 %
Cécité totale 28 %
Surdicécité 1 %
Inconnu 6 %

Proportion des répondants par mode de communication utilisé (plusieurs réponses possibles)

Gros caractères 46 %
Sonore  64 %
Braille 32 %

Proportion des répondants par aide à la mobilité utilisée (plusieurs réponses possibles)

Canne blanche ou autre outil de détection 72 %
Chien-guide 12 %
Lampe/lunette de vision nocturne 7 %
Système optique télescopique 8 %
GPS adapté 21 %
Autre 9 %
Aucune aide à la mobilité 10 %

Proportion des répondants par nombre d’aides à la mobilité utilisées

1 seule aide 55 %
2 aides  38 %
3 aides et plus 7 %

Restrictions liées aux aides visuelles assurées par le programme

Restrictions liées aux types d’aides visuelles assurées

Le programme d’aides visuelles n’assure qu’une seule aide visuelle comprise dans un même type. De plus, si une aide prêtée pour un besoin permet de répondre accessoirement à un autre besoin, aucune aide ne pourra être accordée pour répondre à ce deuxième besoin. Les personnes ayant besoin d’un appareil de prise de notes vocales, d’une loupe ou encore d’une télévisionneuse par exemple doivent donc se contenter d’une seule aide visuelle pour chacun de ces types d’aides.

Ainsi, les répondants sont nombreux à déplorer de ne pas avoir accès à toutes les aides dont ils ont besoin. 18 % des répondants ayant demandé l’accès à plusieurs exemplaires d’une même aide visuelle ont essuyé un refus. Parmi les exemples cités, plusieurs répondants n’ont pas pu obtenir une version portative d’un type d’aide qui leur était déjà prêtée :

« Les lunettes-loupes et les loupes ne sont plus suffisantes pour moi, et étant donné que j’utilise une télévisionneuse de table, je n’ai pas droit à un modèle de poche, à moins de remettre le modèle de table. À mon avis, un appareil de poche est une aide complémentaire à celui de table. »

Certains autres n’ont pas pu obtenir une seconde paire de lunettes de force différente :

« J’ai besoin de deux paires de lunettes pour lire : une avec une loupe plus forte, et l’autre avec une loupe moins forte, mais je ne peux pas avoir les deux. »

« J’aurais besoin d’une lunette de soleil pour quand je ne porte pas mes verres de contact, mais je ne peux pas l’avoir étant donné que j’en ai déjà une sans force à mettre avec mes verres de contact. Je dois choisir. »

D’autres encore n’ont pu obtenir plusieurs exemplaires d’une même aide visuelle :

« J’aurais besoin d’une loupe grossissante avec lumière dans au moins trois pièces de la maison, car j’aime l’avoir à portée de main en tout temps. Mais je n’ai droit qu’à une seule. »

Enfin, quelques répondants n’ont pas pu obtenir un second exemplaire, pour un usage personnel, d’une aide informatique qui n’est assurée qu’à l’égard des personnes visées à l’article 26 du règlement (notamment les étudiants et les travailleurs) :

« J’aurais besoin d’un afficheur braille pour la maison, et l’autre pour le travail. »

Par conséquent, les personnes qui recourent au programme d’aides visuelles sont confrontées à des choix parfois difficiles entre deux aides de même type, mais qui sont pourtant complémentaires.

Restrictions liées au mode de communication

En ce qui concerne les aides informatiques, le règlement n’assure que les types d’aides d’un seul mode de communication à la fois à l’égard d’une même personne : grossissement de caractères, sonore ou braille. Ainsi, une personne ne peut pas bénéficier en même temps d’un logiciel de grossissement de caractères et d’un logiciel de revue d’écran. Il accorde toutefois la possibilité d’assurer une aide d’un second mode de communication à l’égard d’une personne qui passerait progressivement au mode braille (le mode de communication initialement utilisé et le mode braille pouvant coexister pendant la période nécessaire à l’apprentissage de ce dernier).

48 % des répondants ayant passé d’un mode de communication à un autre ont indiqué avoir eu de la difficulté à obtenir les aides visuelles appartenant à plusieurs modes de communication à la fois.

Restrictions liées au renouvellement des aides visuelles

Certaines aides s’usent plus rapidement et nécessitent d’être renouvelées sur une base régulière. Toutefois, 44 % des répondants ne sont pas satisfaits de la fréquence à laquelle ces aides sont renouvelées. De plus, 55 % affirment que le centre de réadaptation ne réévalue pas leurs besoins de façon adéquate et ne met pas à jour leurs aides visuelles en conséquence.

En ce qui concerne les cannes blanches, le règlement autorise l’accès pour une même personne à deux cannes et à un maximum de trois embouts par année. Or, plusieurs répondants ont indiqué que ces quantités ne sont pas suffisantes, ce qui porte atteinte à leur mobilité ainsi qu’à leur sécurité :

« On ne devrait pas limiter le nombre d’embouts de canne blanche qu’on peut avoir par année, tout comme on ne devrait pas limiter le nombre de cannes blanches qu’on attribue chaque année, car cela fait en sorte que si j’ai épuisé mes trois embouts attribués pour l’année, je me retrouve à me faire attribuer une canne sans embout, ce n’est pas très sécuritaire. Ça m’est déjà arrivé et j’ai dû m’acheter un embout de canne blanche. Nous ne devrions pas devoir en acheter, c’est pour notre sécurité et c’est essentiel pour le bon fonctionnement de notre aide à la mobilité. »

« Au sujet de la canne blanche, en cas de bris, j’ai droit à 2 cannes par année. Dans mon dossier, il y a une canne de détection et une canne de soutien. Elles me sont attribuées depuis plus d’un an. Le centre a refusé de changer l’une de mes cannes, car dans mon dossier, il y a déjà 2 cannes. »

« La restriction sur le nombre d’embouts pour canne blanche est d’autant plus absurde qu’elle ne génère pas d’économies significatives. Lorsqu’une canne blanche usée est remplacée, il est inacceptable que la canne de remplacement soit livrée sans embout, comme c’est actuellement le cas. Une canne sans embout est inutilisable. »

Certains répondants ont aussi rapporté des difficultés à obtenir le remplacement de certains appareils comme les loupes et les appareils d’audition :

« Et aussi la loupe s’égratigne avec le temps. On la transporte partout. Ça serait intéressant de connaître la durée de vie des aides visuelles. Par exemple, les loupes portatives, est-ce qu’après deux ans, ils peuvent nous en donner une autre de façon automatique ? »

« La difficulté d’attribution ou de remplacement d’un outil comme Victor Reader Stream, dont la durée de vie de la pile semble aléatoire. Situation très frustrante. »

Enfin, le programme n’autorise pas le renouvellement d’une aide visuelle si le seul motif est d’obtenir une aide plus récente ou plus performante. Par exemple, un répondant s’est vu refuser sa demande de remplacer son appareil Victor Reader Stream d’ancienne génération par un modèle de nouvelle génération, et un autre sa demande pour une télévisionneuse en couleur plutôt qu’en noir et blanc.

Restrictions liées aux nouvelles technologies

D’une part, le règlement stipule qu’une personne ne peut exiger d’obtenir une aide neuve si une aide usagée est disponible pour répondre à un type de besoin, même si l’aide usagée est moins performante que l’aide neuve. D’autre part, le règlement n’assure que l’aide la plus économique, même si cette aide est moins performante qu’une autre dont le coût est plus élevé. Ces restrictions contraignent donc les bénéficiaires à se contenter d’une aide moins fonctionnelle ou d’une aide à moindre coût, même s’il ne s’agit pas de l’aide la plus adaptée à leurs besoins.

« Lors de mon dernier rendez-vous en basse vision, on m’a donné une autre lunette loupe qui est beaucoup moins performante, mais sûrement beaucoup moins coûteuse, et je suis très déçue. Je m’attends à ce que mes lunettes de lecture ne soient plus conçues en fonction de mes besoins particuliers, mais plutôt selon un standard. »

« Lors de mon dernier rendez-vous en basse vision, on m’a mentionné que ma lunette pour voir de loin ne serait fort possiblement plus payée par la RAMQ, La RAMQ paierait davantage pour des verres de contact. Je trouve cela tout à fait injuste puisque je ne peux pas porter de verres de contact. »

De plus, 64 % des répondants estiment que les aides visuelles proposées par les centres de réadaptation ne suivent pas l’évolution de la technologie. Plusieurs répondants ont donc indiqué que le programme devrait tenir compte des nouvelles technologies lorsqu’elles arrivent sur le marché, comme la canne blanche intelligente et les lunettes électroniques. Seules les personnes qui en ont les moyens financiers peuvent ainsi se procurer des aides visuelles qui sont plus modernes et plus fonctionnelles.

Restrictions liées à la mise à jour des appareils électroniques et des logiciels adaptés

Les logiciels assurés par le programme demeurent la propriété du centre de réadaptation, et, sauf exception, il n’est pas possible pour les utilisateurs de faire des mises à jour des logiciels qui leur sont prêtés. Même les personnes qui seraient prêtes à assumer les coûts des mises à jour ne peuvent le faire, car la licence ne leur appartient pas. Ainsi, 66 % des répondants se déclarent insatisfaits de la fréquence à laquelle leur centre de réadaptation procède à la mise à jour de leurs appareils électroniques adaptés et de leurs logiciels. Plusieurs ont mentionné que les mises à jour des logiciels de revue d’écran comme JAWS devraient être accordées automatiquement aux utilisateurs. De plus, certains suggèrent que s’ils étaient propriétaires de la licence, ils pourraient plus facilement effectuer les mises à jour. Enfin, un autre répondant mentionne qu’une subvention récurrente, aux cinq ans par exemple, permettrait aussi aux utilisateurs de renouveler plus facilement leurs aides visuelles.

« Le plus gros problème rencontré est que le centre de réadaptation refuse d’attribuer du nouveau matériel ou de mettre celui-ci à jour. J’ai donc acheté pour environ 15 000 $ de matériel au cours des 5 dernières années, étant travailleur et ayant besoin de suivre la technologie. De plus, le centre de réadaptation attribue des licences de logiciels adaptés (JAWS, OpenBook, Duxbury), toutefois, aucune façon de les mettre à jour. Le centre de réadaptation refuse même si je suis travailleur, et selon les normes RAMQ, nous n’avons pas le droit d’acheter nous-même les mises à jour, même si on est prêt à payer. Ainsi, les licences ne me sont plus d’aucune utilité. J’ai acheté mes propres copies des logiciels pour avoir la paix et il est hors de question de remettre au centre de réadaptation les licences précédemment attribuées, car je n’y aurai pas droit dans le futur si nécessaire. »

« On devrait attribuer plus facilement les mises à jour de JAWS, car pour l’instant, il faut absolument toujours prouver le besoin à chaque mise à jour. Il devrait suffire de le demander pour l’obtenir, car le processus est inutilement lourd et sans l’argument parfait, on peut se voir refuser la mise à jour, ce qui est problématique quand on est étudiant ou travailleur, et en plus, cela nécessite parfois une intrusion importante dans notre vie privée qui me rend très inconfortable. »

Restrictions liées aux aides à attribution unique

Certaines aides visuelles ne sont assurées qu’une seule fois pour une même personne. De plus, leur remplacement et leur réparation ne sont pas assurés. Ces aides à attribution unique comprennent entre autres les pèse-aliments parlants, les assiettes adaptées, les porte-monnaie adaptés, les réveille-matins adaptés ou encore les thermomètres à viande adaptés. Parmi les répondants concernés par ce type d’aides visuelles, 46 % ont indiqué que les restrictions liées aux aides à attribution unique leur ont déjà posé problème.

Restrictions liées au statut des bénéficiaires

Certaines aides visuelles, soit celles énumérées à la Partie II de l’Annexe I du règlement (dont le système de géopositionnement satellitaire adapté, l’imprimante braille et l’afficheur braille), ne sont assurées qu’à l’égard des personnes visées à l’article 26 du règlement, soit, entre autres, celles qui poursuivent des études ou qui exercent un travail rémunéré. Les personnes à la retraite ou sans emploi n’ont donc pas accès à ces types d’aides particuliers. Ainsi, 32 % des répondants se sont vus refuser une aide visuelle ou une mise à jour de logiciel en raison de leur statut (sans emploi, retraité, etc.). Parmi eux, 68 % estiment que cela a nui à la réalisation de leurs tâches quotidiennes de façon autonome et sécuritaire.

Le problème semble se poser particulièrement pour les personnes qui utilisent le braille comme mode de lecture et d’écriture, et qui perdent l’accès à plusieurs outils adaptés en braille au moment de leur retraite. Plusieurs répondants déplorent que ces aides ne soient pas considérées comme des aides aux activités de la vie quotidienne, alors qu’elles en font bel et bien partie, sans égard à leur statut d’emploi ou d’études.

« Mon statut de personne retraitée limite beaucoup mon accès à ce programme. Le fait de ne plus travailler fait en sorte que j’ai dû acheter ce dont j’ai besoin en informatique. »

Par ailleurs, la Régie de l’assurance maladie du Québec indique que le programme prévoit le prêt d’aides visuelles dans le cadre de l’exercice d’une activité bénévole, sans plus de détails, alors que le règlement ne fait aucune mention du bénévolat : il est donc difficile de savoir si le prêt de ces aides visuelles est effectivement assuré pour les personnes retraitées ou sans emploi qui exercent une activité à titre bénévole.

« J’aimerais plus de souplesse, certaines personnes de mon âge (63 ans) sont plus actives que d’autres, et souvent je me trouve devant une impossibilité d’obtenir des aides pour mon bénévolat, ce que je trouve frustrant. Je participe activement au soutien et au développement de ma société, je fais du bénévolat dans une école primaire, et j’utilise un lecteur Braille, que j’ai déniché gracieuseté de l’INLB, car il était voué à la casse. Cependant, je ne suis pas éligible pour en recevoir un nouveau si ce vieil instrument de l’âge des dinosaures cesse de fonctionner. Si je n’ai plus de lecteur Braille, je ne peux plus faire mon bénévolat à l’école primaire. J’aide bon an mal an près de 60 élèves qui ont besoin de soutien en lecture, je crois que cela vaut un afficheur braille, non ? »

Ainsi, les répondants sont nombreux à souhaiter que toutes les aides visuelles disponibles soient accessibles aux personnes ayant démontré leur besoin, quel que soit leur statut.

Restrictions liées aux aides visuelles « non essentielles »

Le programme n’autorise le prêt d’une aide visuelle que pour combler les besoins fonctionnels avérés d’une personne ayant une limitation visuelle, soit les besoins permettant d’accomplir des activités essentielles comme la lecture, l’écriture, la mobilité ou d’autres activités de la vie quotidienne. Ainsi, le règlement ne couvre pas le matériel adapté pour les loisirs, qui ne sont pas considérés comme des activités essentielles. 16 % des répondants ont indiqué que cela leur avait déjà empêché de pratiquer un loisir.

Autres besoins non comblés

Quelques répondants utilisent ou aimeraient utiliser certaines aides visuelles qui ne figurent pas dans le règlement, notamment :

  • Jumelles sur une monture de lunettes
  • Appareils ménagers et électroménagers accessibles
  • Thermomètre intérieur et extérieur parlant
  • Aide-mémoire pour l’épicerie

De plus, un répondant a rapporté que le programme exclut l’attribution des aides visuelles valant moins de 20 $, ce qui peut être problématique pour les personnes ayant des revenus modestes qui doivent se les procurer par leurs propres moyens.

Enfin, un autre répondant a mentionné que les batteries utilisées dans les loupes électroniques s’usent rapidement, ce qui peut être problématique aussi pour les personnes ayant des revenus modestes.

Non-couverture du téléphone intelligent comme aide visuelle

Les téléphones intelligents ne sont pas assurés par le programme d’aides visuelles, alors qu’ils sont pourtant amenés à remplacer plusieurs aides assurées séparément par le programme. Parmi les répondants possédant un téléphone intelligent, 76 % utilisent en effet des applications comme aides visuelles pour leurs tâches quotidiennes. Les tâches réalisées par les répondants à l’aide de leur téléphone intelligent sont multiples :

  • Aide à la lecture : lecture de textes, d’étiquettes, de codes-barres, de l’argent, numérisation de caractères, grossissement de caractères, synthèse vocale, lecture de documents imprimés
  • Aide à l’écriture : dictaphone
  • Aide à la mobilité : GPS
  • Aide informatique : recherche sur internet à l’aide d’assistants vocaux
  • Toute autre aide pratique : reconnaissance d’objets, détection de couleurs et d’objets, avoir l’heure, la météo, rappel pour prendre de la médication ou pour des rendez-vous, loupe, analyse de la luminosité

Il existe de nombreuses applications accessibles destinées à offrir du soutien aux personnes ayant une limitation visuelle. Parmi les applications utilisées par les répondants sur leur téléphone :

Siri Assistant intelligent de commande vocale
Seeing AI Application permettant d’identifier des personnes et des objets et de les décrire en utilisant la caméra de l’appareil
VoiceOver Application de lecture d’écran
BlindSquare GPS accessible
EasyReader, VoiceDream Applications de lecture accessibles
Aira, BeMyEyes Applications pour obtenir de l’assistance

Pour 25 % des répondants, ces applications sont utilisées en remplacement des aides visuelles fournies par leur centre de réadaptation, tandis que 75 % des répondants les utilisent en complément de ces aides.

Les aides visuelles remplacées par des applications sont, selon les répondants :

  • PenFriend
  • Victor Reader Stream (pour les formats non pris en charge, EPUB par exemple)
  • Loupe
  • Plextalk
  • Télévisionneuse
  • GPS

De plus, plusieurs répondants ont aussi mentionné que les applications de leur téléphone sont parfois plus faciles à utiliser que les aides fournies par un centre de réadaptation :

« J’utilise une application sur mon téléphone plutôt que le GPS trekker, qui était trop compliqué à utiliser et que j’ai retourné au centre de réadaptation. »

Si le téléphone remplace certaines aides visuelles, plusieurs autres aides restent encore utilisées par les répondants de manière complémentaire aux applications :

  • JAWS
  • Victor Reader Stream
  • Canne blanche
  • Points tactiles pour repères
  • Pèse-aliments
  • Stylo optique
  • Numériseur avec logiciel de reconnaissance de caractères
  • Appareils adaptés au braille (afficheur, clavier, imprimante, plage tactile, montre)
  • Calculatrice parlante
  • Lunette télescopique, lunettes pour la vision de loin, lunette grossissante, filtre solaire
  • Détecteur de liquide
  • Thermomètre bucal parlant
  • PenFriend
  • Crayon électronique

Considérant l’importance des téléphones intelligents pour réaliser les activités de la vie quotidienne et le fait qu’ils remplacent plusieurs aides visuelles assurées par le programme, des répondants suggèrent qu’une subvention à l’achat et à l’utilisation devrait être envisagée.

« J’aimerais avoir un téléphone intelligent, mais je n’ai pas les moyens de m’en procurer étant pensionné. Il serait intéressant d’avoir un montant pour s’en procurer un. »

Formation insuffisante à l’utilisation des aides visuelles

Par le centre de réadaptation

Les centres de réadaptation sont responsables non seulement de l’évaluation des besoins des personnes, mais aussi de la formation à l’utilisation à leur plein potentiel des aides visuelles prêtées. Toutefois, 47 % des répondants estiment que leur centre de réadaptation ne leur a pas offert les formations adéquates pour connaître toutes les fonctionnalités de leurs aides visuelles afin de les utiliser à leur plein potentiel. En ce qui concerne l’utilisation d’un ordinateur par exemple, certains répondants auraient aimé avoir la possibilité de suivre un cours, car les explications fournies restaient trop en surface.

Référence vers des organismes externes

Seuls 16 % des répondants ont été référés par leur centre de réadaptation vers un organisme externe pour recevoir ces formations. Il y a donc une proportion importante de répondants qui n’ont pas reçu de formation adéquate de la part de leur centre de réadaptation, et qui n’ont pas non plus été référés vers un organisme externe. Les besoins en matière de formation identifiés par les répondants concernent principalement l’informatique et l’utilisation des technologies adaptées. Parmi les formations vers lesquelles ils ont été référés :

  • Formations de la Fondation INCA sur l’utilisation des technologies adaptées (ordinateurs, téléphones intelligents, informatique)
  • Formations liées aux chiens-guides
  • Formations pour apprendre le braille

Insuffisance des allocations pour chien-guide

Montant pour l’acquisition d’un chien-guide

Le programme d’aides visuelles accorde un montant forfaitaire de 210 $ pour l’acquisition d’un chien-guide. Or, parmi les répondants concernés par la question, 80 % estiment que ce montant n’est pas suffisant pour couvrir tous les frais. Certains répondants ont fourni une estimation des frais nécessaires ; plus de la moitié d’entre eux estiment que les frais d’acquisition correspondent au moins au double du montant forfaitaire prévu par le programme.

Montant nécessaire estimé pour l’acquisition d’un chien-guide

Moins de 400 $ 32 %
Entre 400 $ et 800 $ 37 %
Entre 800 $ et 1 200 $ 21 %
Plus de 1 200 $ 11 %

Montant annuel pour l’entretien d’un chien-guide

Le programme accorde également un montant annuel de 2 240 $, en quatre versements, pour l’entretien du chien-guide. Parmi les répondants concernés, 42 % estiment que ce montant n’est pas suffisant pour couvrir les différentes dépenses liées à l’entretien d’un chien-guide. Ces dépenses incluent :

  • La nourriture
  • Les frais de vétérinaire (incluant l’examen annuel, les vaccins, les traitements antiparasitaires, les soins dentaires, etc.)
  • Le toilettage (incluant 1 toilettage par mois, et une coupe de griffes par mois)
  • Les accessoires (incluant les jouets, les coussins, les produits d’hygiène, etc.)

Frais d’entretien annuels estimés pour un chien-guide

Nourriture 1 000 $ à 1 500 $
Vétérinaire 800 $ à 1 200 $
Toilettage 400 $ à 1000 $
Accessoires 300 $ à 400 $
TOTAL ESTIMÉ 2 500 $ à 4 100 $

Par ailleurs, cette estimation ne comprend pas les frais liés à des imprévus (pour des soins d’urgence par exemple) ni les frais supplémentaires nécessaires pour un chien en fin de vie.

Difficultés liées à l’accès au programme

Manque d’information sur les aides disponibles

Plusieurs répondants ont rapporté ne pas être au courant de toutes les aides visuelles disponibles, et souhaiteraient donc être mieux informés de leurs droits :

« Personne ne nous informe du contenu et des possibilités offertes par le décret, surtout pas notre centre de réadaptation. Il serait intéressant de recevoir ces informations de façon simple, concise et régulière. Y a-t-il un endroit où l’on peut consulter ce document ou encore mieux où l’on peut consulter quelqu’un qui connaît ce document et qui peut nous guider ou répondre à nos questionnements ? »

« Je ne suis aucunement au courant de l’aide pour les chiens d’assistance (guide). »

Il est donc probable que plusieurs personnes n’ont pas accès à des aides visuelles auxquelles elles auraient pourtant droit pour la seule raison qu’elles ne disposent pas des informations et du soutien nécessaires pour y accéder.

Lourdeur administrative

Des répondants ont aussi souligné différents problèmes qui alourdissent l’accès au programme :

« Je suis mise en bas de la liste pour recevoir de l’aide, je me retrouve à être non prioritaire. La difficulté est donc dans le fait de recevoir de l’aide, mon rendez-vous est toujours reporté. »

« Beaucoup de difficulté pour communiquer avec le centre de réadaptation afin d’obtenir un rendez-vous pour une paire de lunettes afin de remplacer celle que j’ai, mais qui est brisée, et longue liste d’attente pour avoir un rendez-vous. »

« La lourdeur administrative du système fait en sorte que je ne demande plus rien au centre de réadaptation, j’en ai marre, je m’organise par mes propres moyens au privé. »

« Il m’a fallu faire beaucoup de démarches pour obtenir une télévisionneuse avec synthèse vocale. J’étais alors au travail. Il m’a fallu beaucoup de persévérance et une argumentation considérable. »

Iniquités dans l’attribution des aides

Quelques répondants étaient préoccupés par le fait que les centres de réadaptation ne semblent pas tous utiliser les mêmes critères pour l’attribution des aides visuelles, ce qui entraine des iniquités d’une région à l’autre.

Méconnaissance du programme d’assurance pour les aides visuelles

Les personnes qui utilisent une aide visuelle prêtée par leur centre de réadaptation sont responsables des coûts de réparation et de remplacement en cas de perte, de vol, de bris ou de négligence. Elles sont donc admissibles au programme d’assurance pour les aides visuelles de la Direction des assurances du réseau de la santé et des services sociaux. Le coût de la protection est de 25 $ par année. Toutefois, parmi les répondants, 40 % ont indiqué ne pas être au courant de l’existence de ce programme d’assurance, pourtant essentiel en cas de perte, de vol ou de bris de leurs aides visuelles.

Programmes connexes

Programme de prothèses oculaires

Parmi les répondants, seuls 21 % sont au courant de l’existence du programme de prothèses oculaires. Par ailleurs, plusieurs personnes qui utilisent ce programme ont signalé que les montants accordés pour l’achat (585 $ pour une prothèse sur mesure et 225 $ pour une prothèse usinée) et l’entretien (25 $ par année) d’une prothèse sont largement insuffisants. À moins qu’elles aient une assurance privée, celles-ci doivent payer la différence, qui peut s’élever à plus de 1500 $ pour l’achat d’une telle prothèse. Selon les répondants, ce programme devrait être révisé pour tenir compte de la hausse des coûts de fabrication et d’entretien des prothèses.

« Le coût d’une prothèse oculaire est maintenant de 2100 $ : moins le 585 $ du programme, cela fait 1515 $ à débourser. Pour ce qui est du nettoyage annuel, il est de 90 $ : moins le 25 $ du programme, cela fait 65 $. »

« Je ne peux pas me payer une nouvelle prothèse, car je ne reçois qu’une petite rente d’invalidité et je n’ai aucune assurance privée. »

Programme d’aides auditives

45 % des répondants sont au courant de l’existence du programme d’aides auditives. Aucun d’entre eux n’a formulé de commentaires sur ce programme.

Conclusion

Les nombreuses problématiques soulevées par les répondants — restrictions considérables liées aux aides visuelles qui peuvent être assurées par le programme, non-couverture du téléphone intelligent comme aide visuelle, formation insuffisante à l’utilisation des aides visuelles, insuffisance des allocations pour chien-guide, difficultés liées à l’accès au programme et méconnaissance du programme d’assurance pour les aides visuelles — démontrent que le programme ne répond pas pleinement à leurs besoins.

Par conséquent, des répondants ont dû assumer par eux-mêmes les frais pour se doter d’aides visuelles adaptées à leurs besoins, et d’autres, dont les revenus sont plus modestes, ont dû se contenter d’aides visuelles ne répondant pas adéquatement à leurs besoins. Alors que le programme vise à éviter que les personnes aient à engager des frais supplémentaires pour accomplir leurs activités essentielles en raison de leur limitation visuelle, ces témoignages montrent que cet objectif n’est pas tout à fait atteint.

Pour répondre pleinement aux besoins des personnes ayant une limitation visuelle, le programme doit être révisé en profondeur et être considérablement bonifié, notamment en ce qui concerne les aides visuelles prêtées et l’accès à ces aides.

Documents consultés

Direction des assurances du réseau de la santé et des services sociaux. Programmes d’assurance Aides visuelles. https://www.darsss.ca/fr/aides-visuelles

Gouvernement du Québec. Règlement sur les aides visuelles et les services afférents assurés. https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/rc/A-29,%20r.%203/

Gouvernement du Québec. 2011. Le prêt d’une aide visuelle — Principes et orientations. https://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/fichiers/2011/11-841-01F.pdf

Régie de l’assurance maladie du Québec. Aides visuelles. https://www.ramq.gouv.qc.ca/fr/citoyens/programmes-aide/aides-visuelles

Régie de l’assurance maladie du Québec. 2020. Programme d’aides visuelles. https://www.ramq.gouv.qc.ca/sites/default/files/documents/aides-visuelles-fr.pdf

Régie de l’assurance maladie du Québec. 2021. Ce que vous devez savoir sur les aides visuelles qui vous sont prêtées. https://www.ramq.gouv.qc.ca/sites/default/files/documents/aides-visuelles-guide_0.pdf