Rapport final, janvier 2021
Sommaire
Partie 1 — Personnes ayant une limitation visuelle. 4
Accessibilité de l’information. 8
Services de réadaptation en déficience visuelle. 12
Éducation postsecondaire à distance. 15
Partie 2 — Parents d’enfants ayant une limitation visuelle. 17
Éducation et accessibilité. 20
Services de réadaptation en déficience visuelle. 23
État émotionnel de l’enfant 24
« J’ai l’impression que les personnes handicapées, tous handicaps confondus, ont été oubliées depuis le début de la pandémie. Encore une fois. »
Introduction
Les personnes ayant une limitation visuelle ont subi de plein fouet les impacts de la pandémie. Les mesures sanitaires n’ont pas du tout ou peu pris en considération les besoins et les réalités des personnes ayant une limitation visuelle. Par conséquent, la pandémie a engendré de nouvelles situations de handicap et exacerbé de nombreux problèmes structurels déjà existants. Inaccessibilité de l’information, obstacles à la mobilité et suspension des services de réadaptation — entre autres — ont porté gravement atteinte à l’inclusion des personnes handicapées visuelles.
Le RAAQ, dès le début de la crise sanitaire, a mis en lumière ces problématiques et a agi auprès des gouvernements et acteurs concernés pour défendre les droits des personnes handicapées visuelles. Afin de documenter les impacts de la pandémie sur ces personnes et d’évaluer l’ampleur des problématiques, le regroupement a mené un projet de recherche, entre le mois de novembre 2020 et le mois de janvier 2021, qui a permis de consulter un nombre total de 195 personnes. Les résultats sont détaillés dans le présent rapport.
La première partie de ce rapport concerne les problématiques vécues par les personnes de 18 ans et plus ayant une limitation visuelle. Les principales préoccupations portent sur l’accessibilité de l’information, l’accompagnement, les déplacements, l’utilisation des transports, l’accès aux services de réadaptation en déficience visuelle et aux soins de santé, le soutien du revenu, le télétravail, l’éducation postsecondaire et l’état émotionnel.
La deuxième partie de ce rapport concerne quant à elle les problématiques identifiées par les parents d’enfants ayant une limitation visuelle. Les principales préoccupations portent sur l’éducation, l’accès aux services de réadaptation en déficience visuelle, aux soins de santé et aux loisirs adaptés ainsi que l’état émotionnel de l’enfant et du parent.
Partie 1 — Personnes ayant une limitation visuelle
Résumé
Accessibilité de l’information
- 43 % des répondants ont éprouvé des problèmes d’accessibilité pour consulter l’information et les ressources publiées par le gouvernement au sujet de la COVID-19.
- 48 % des répondants sont préoccupés par le manque d’accessibilité de l’information et des ressources publiées par le gouvernement au sujet de la COVID-19.
- 29 % des répondants ne se sont pas sentis bien informés et bien outillés pour faire face à la pandémie.
Déplacements
- 70 % des répondants estiment que les mesures de distanciation physique les empêchent de se déplacer de manière autonome et sécuritaire.
- 81 % des répondants considèrent que les réaménagements de l’espace public (pour permettre la distanciation physique) sont problématiques compte tenu de leur limitation visuelle.
- 43 % des répondants jugent que le port obligatoire du masque lors de leurs déplacements est problématique compte tenu de leur limitation visuelle.
Accompagnement
- 57 % des répondants se sont déclarés insatisfaits de l’information publiée par le gouvernement à l’attention des personnes ayant besoin d’un accompagnateur pour se déplacer.
- 47 % des répondants considèrent que la population dans son ensemble n’a pas bien compris le fait que l’accompagnement des personnes ne pouvant se déplacer seules constitue un service essentiel.
- 65 % des répondants considèrent qu’avoir un accompagnateur lors de leurs déplacements essentiels est devenu plus difficile en raison de la pandémie.
Utilisation du transport en commun
- 71 % des utilisateurs du transport en commun considèrent que l’accès est plus difficile depuis le début de la pandémie.
- 50 % des utilisateurs du transport en commun ne se sentent pas en sécurité lorsqu’ils l’utilisent.
Utilisation du transport adapté
- 50 % des utilisateurs du transport adapté considèrent que l’accès est plus difficile depuis le début de la pandémie.
- 23 % des utilisateurs du transport adapté ne se sentent pas en sécurité lorsqu’ils l’utilisent.
Services de réadaptation en déficience visuelle
- 24 % des répondants n’ont pas eu accès aux aides visuelles dont ils avaient besoin lors de la pandémie.
- 25 % des répondants n’ont pas eu accès aux services de réadaptation en déficience visuelle dont ils avaient besoin lors de la pandémie.
- 56 % des répondants ont le sentiment d’avoir perdu des acquis dans leur processus de réadaptation et dans leurs techniques de déplacement en raison d’un manque de service ou de soutien lors de la pandémie.
Soins de santé
- 35 % des répondants nécessitant des soins en optométrie ou en ophtalmologie n’y ont pas eu accès lors de la pandémie.
- 36 % des répondants rapportent que des soins et traitements de la vue dont ils avaient besoin ont été annulés ou reportés en raison de la pandémie.
- 39 % des répondants estiment que les soins de santé dispensés en mode virtuel ne sont pas adaptés à leurs besoins et à leur limitation visuelle.
Soutien du revenu
- 50 % des répondants estiment que le paiement unique aux personnes en situation de handicap versé par le gouvernement fédéral, d’un montant de 600 $, n’est pas suffisant pour couvrir les dépenses supplémentaires encourues lors de la pandémie.
Télétravail
- 38 % des répondants occupant un emploi ont rapporté que leur employeur n’a pas mis à leur disposition un poste de travail adapté pour le télétravail lors de la pandémie.
- 54 % des répondants occupant un emploi ont dû assumer personnellement des frais pour se procurer des outils de travail adaptés à leur limitation visuelle.
Éducation postsecondaire à distance
- 34 % des répondants inscrits à des études postsecondaires estiment que la plateforme numérique de leur établissement d’enseignement n’est pas accessible.
- 34 % des répondants inscrits à des études postsecondaires ont rapporté que les documents, manuels et autres outils fournis par leur établissement d’enseignement ne sont pas accessibles.
- 21 % des répondants inscrits à des études postsecondaires estiment que les mesures sanitaires formulées par leur établissement d’enseignement ne sont pas accessibles.
État émotionnel
- 82 % des répondants se sentent plus isolés depuis le début de la pandémie.
- 71 % des répondants se sentent plus anxieux depuis le début de la pandémie.
- 68 % des répondants affirment qu’il leur est plus difficile de vivre avec une limitation visuelle depuis le début de la pandémie.
Méthodologie
La première partie de l’étude visait les personnes âgées de 18 ans et plus ayant une limitation visuelle.
Sondage
Un sondage comprenant 35 questions a été réalisé. Parmi ces questions, six concernaient le profil démographique des répondants, 28 les problématiques vécues lors de la pandémie et une question était ouverte, de sorte que les répondants pouvaient, s’ils le souhaitaient, partager une expérience ou mentionner des éléments qui n’auraient pas été abordés dans le sondage.
Les questions étaient présentées principalement sous forme d’affirmations, pour lesquelles les répondants devaient indiquer s’ils sont en accord ou non. Dans le cas où une affirmation ne concernait pas la situation particulière d’un répondant, il pouvait cocher la réponse « Ne sais pas/ne s’applique pas à ma situation ».
Le sondage a été mis en ligne sur une plateforme accessible conçue par le RAAQ et a ensuite été diffusé à l’ensemble des associations membres du RAAQ à travers la province ainsi que sur le site internet et la page Facebook du regroupement. Les personnes qui avaient besoin d’assistance pour remplir le sondage ont été invitées à contacter leur association régionale.
Les réponses ont été collectées entre le 23 novembre 2020 et le 23 décembre 2020.
Entrevues
Des entrevues ont été réalisées auprès de personnes qui se sont portées volontaires. À partir d’un guide d’entrevue comprenant des questions ouvertes, une série de thèmes ont été abordés avec les personnes interrogées.
Les entrevues ont été réalisées entre le 23 novembre 2020 et le 23 décembre 2020.
Profil démographique
Nombre de répondants
168 personnes ont répondu au sondage et 16 personnes ont participé aux entrevues.
Proportion de répondants par région
Bas-Saint-Laurent | 1 % |
Saguenay–Lac-Saint-Jean | 1 % |
Capitale-Nationale | 13 % |
Mauricie | 4 % |
Estrie | 6 % |
Montréal | 19 % |
Outaouais | 10 % |
Abitibi-Témiscamingue | 1 % |
Côte-Nord | 1 % |
Nord-du-Québec | 0 % |
Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine | 3 % |
Chaudière-Appalaches | 1 % |
Laval | 3 % |
Lanaudière | 8 % |
Laurentides | 3 % |
Montérégie | 25 % |
Centre-du-Québec | 2 % |
Proportion de répondants par type de milieu
Urbain | 73 % |
Semi-urbain | 17 % |
Rural | 10 % |
Proportion de répondants par genre
Femme | 55 % |
Homme | 44 % |
Autre | 1 % |
Proportion des répondants par tranche d’âge
18 à 35 ans | 9 % |
36 à 55 ans | 28 % |
56 à 70 ans | 44 % |
71 ans et plus | 19 % |
Proportion des répondants par niveau de vision
Basse vision | 42 % |
Fonctionnellement aveugle avec résidu visuel | 27 % |
Cécité totale | 30 % |
Résultats
Accessibilité de l’information
- 43 % des répondants ont éprouvé des problèmes d’accessibilité pour consulter l’information et les ressources publiées par le gouvernement au sujet de la COVID-19. Cette proportion varie selon le niveau de vision :
- Répondants ayant une basse vision : 35 % ;
- Répondants ayant une cécité totale ou ayant un résidu visuel tout en étant fonctionnellement aveugle: 49 %.
- 48 % des répondants sont préoccupés par le manque d’accessibilité de l’information et des ressources publiées par le gouvernement au sujet de la COVID-19. Cette proportion varie selon le niveau de vision :
- Répondants ayant une basse vision : 47 % ;
- Répondants ayant une cécité totale ou ayant un résidu visuel tout en étant fonctionnellement aveugle : 49 %.
- 29 % des répondants ne se sont pas sentis bien informés et bien outillés pour faire face à la pandémie.
Les points de presse quotidiens du premier ministre, diffusés à la télévision et à la radio, ont été une source d’information facilement accessible pour les personnes ayant une limitation visuelle. Le site internet québec.ca/coronavirus était aussi accessible avec la synthèse vocale et l’afficheur en braille. Toutefois, le fait que certains documents aient été publiés au format PDF seulement a constitué un problème majeur. En effet, il arrive souvent que les documents PDF ne soient pas accessible, rendant leur lecture difficile par les logiciels de lecture d’écran. Le Guide autosoins par exemple n’a été publié en versions accessibles que plusieurs semaines après sa publication initiale. Devant l’urgence de diffuser l’information, le RAAQ avait dû alors produire une version accessible. D’ailleurs, plusieurs personnes interrogées ont souligné l’apport du regroupement et de leur association régionale dans la diffusion d’information accessible. En ce qui concerne les résidences pour personnes âgées, il a été rapporté que l’information affichée n’était pas adaptée aux personnes ayant une limitation visuelle.
« Je me suis tenue informée grâce aux points de presse quotidiens du premier ministre et aussi grâce aux informations transmises par l’association des handicapés visuels de ma région, qui nous fournissait des informations adaptées. »
« C’était très simple et très pratique d’écouter les points de presse du premier ministre sur l’application de Radio-Canada. Par contre, j’ai eu besoin de chercher plus d’information sur les consignes pour les CHSLD, puisque ma mère y habite, et j’ai eu beaucoup de difficulté à trouver l’information. »
« On nous demande d’utiliser les services en ligne presque partout, pour prendre un rendez-vous, pour faire l’épicerie, pour faire ses achats. Mais tout le monde semble oublier que ce n’est pas toujours possible quand on ne voit pas ! La plupart des sites internet ne sont même pas accessibles. C’est un casse-tête pour nous. »
« Dans ma résidence pour personnes âgées, la direction avait mis des affiches d’informations sur la COVID dans les couloirs, mais les caractères étaient trop petits pour que je sois capable de les lire. Je suis allé demander si l’on pouvait grossir les caractères. On m’a répondu qu’il n’y avait que 2 ou 3 personnes dans la résidence qui avaient des problèmes de vision, et donc que ce n’était pas nécessaire d’en tenir compte. Quand on m’a donné cette réponse, j’ai eu l’impression d’être traité comme un enfant qui se plaint pour rien. Franchement, on dirait que les personnes âgées n’ont aucun droit, et encore moins quand elles ont un handicap. »
Déplacements
- 70 % des répondants estiment que les mesures de distanciation physique les empêchent de se déplacer de manière autonome et sécuritaire. Cette proportion varie selon le niveau de vision :
- Répondants ayant une basse vision : 66 % ;
- Répondants ayant une cécité totale ou ayant un résidu visuel tout en étant fonctionnellement aveugle: 73 %.
- 81 % des répondants considèrent que les réaménagements de l’espace public (pour permettre la distanciation physique) sont problématiques compte tenu de leur limitation visuelle. Cette proportion varie selon le niveau de vision :
- Répondants ayant une basse vision : 80 % ;
- Répondants ayant une cécité totale ou ayant un résidu visuel tout en étant fonctionnellement aveugle: 82 %.
- 43 % des répondants jugent que le port obligatoire du masque lors de leurs déplacements est problématique compte tenu de leur limitation visuelle. Cette proportion varie selon le niveau de vision :
- Répondants ayant une basse vision : 60 % ;
- Répondants ayant une cécité totale ou ayant un résidu visuel tout en étant fonctionnellement aveugle: 30 %.
L’application des consignes sanitaires dans les commerces et les espaces publics ont créé de nouvelles situations de handicap pour les personnes ayant une limitation visuelle qui avaient l’habitude de se déplacer de manière autonome avant la pandémie. Les indications visuelles et réaménagements de l’espace public (flèches directionnelles, marquages au sol, affichages, corridors sanitaires, etc.) ne sont pas perceptibles sans vision adéquate ni par les chiens guides, de même que la distance à maintenir avec les autres personnes et la localisation des dispositifs de désinfection des mains. Tous ces changements ont donc grandement affecté les systèmes de repérage des personnes ayant une limitation visuelle, de sorte que les déplacements sont beaucoup plus difficiles et anxiogènes qu’avant la pandémie. Par conséquent, les personnes interrogées déplorent qu’il soit devenu presque essentiel d’être accompagnées pour se déplacer et ressentent une perte d’autonomie.
Le port obligatoire du masque lors des déplacements pose aussi problème à certaines personnes, notamment celles ayant une basse vision. Le masque crée en effet de la buée qui obstrue davantage la vision.
« Une chose est sûre : comme personne presque aveugle, j’ai très bien compris qu’en certaines situations, l’accompagnement est devenu pour moi un service non seulement essentiel, mais aussi obligatoire. »
« Les lignes de personnes aux deux mètres ne sont pas vraiment des lignes que nous sentons, alors à plusieurs reprises, je me suis fait apostropher par d’autres clients qui croyaient que je voulais passer devant eux ou qui me disaient que je n’étais pas au bon endroit. Certains ont été agressifs avec moi, alors que je ne voyais même pas qu’il y avait une file. La distanciation est venue apporter une limite de plus à celles associées à ma problématique visuelle. »
« Les plus grandes difficultés sont pour moi les déplacements dans les commerces, qui sont vraiment plus difficiles. Les marques au sol que l’on ne voit pas, la distance à maintenir avec les autres, les distributeurs de liquide désinfectant qui sont introuvables : dans les faits, la seule façon de s’assurer de pouvoir respecter les consignes sanitaires, c’est d’être accompagné lors de chacune de ses sorties. »
« Le plus difficile pour moi a été de devoir m’adapter à tous les changements faits dans les commerces et les lieux publics. Tous mes repères ont changé du jour au lendemain : il y a eu des files d’attente, des plexiglas devant les caisses. En plus d’être concentrée sur mon épicerie, je dois aussi être concentrée sur tout ce qu’il y a de nouveau autour de moi. Il faut être encore plus vigilant pour voir si quelque chose a changé et constamment s’adapter aux changements. »
« Depuis que je dois porter un masque partout où je vais, mes lunettes sont toujours embuées, et cela me fait perdre le peu de vision qu’il me reste encore. »
« La pandémie a changé mon autonomie de manière globale. Avant, j’étais capable d’aller partout sans avoir nécessairement besoin de quelqu’un pour m’accompagner. Maintenant, je ne vois pas les flèches au sol et impossible de savoir si je suis à moins de deux mètres des gens. Je suis obligée de demander à un bénévole de faire les commissions pour moi. En somme, je dois laisser un peu plus qu’avant les autres faire les choses pour moi. »
« Je me sens beaucoup plus nerveuse de sortir seule depuis le début de la pandémie. Je ne sais jamais s’il va y avoir de nouvelles modifications dans les commerces et comment ça va fonctionner. Un jour le distributeur de gel est à gauche, l’autre jour il est à droite ; un jour l’entrée se fait par la porte centrale, l’autre jour c’est par la porte de gauche ! Il faut bien s’adapter à tous ces changements, mais ça amène un stress de plus. »
Accompagnement
- 57 % des répondants se sont déclarés insatisfaits de l’information publiée par le gouvernement à l’attention des personnes ayant besoin d’un accompagnateur pour se déplacer.
- 47 % des répondants considèrent que la population dans son ensemble n’a pas bien compris le fait que l’accompagnement des personnes ne pouvant se déplacer seules constitue un service essentiel.
- 65 % des répondants considèrent qu’avoir un accompagnateur lors de leurs déplacements essentiels est devenu plus difficile en raison de la pandémie.
Les directives gouvernementales concernant l’accompagnement des personnes ayant une limitation visuelle n’ont pas été suffisamment claires pour les personnes directement concernées ainsi que pour la population en général. De ce fait, le droit d’être accompagné par une personne n’habitant pas sous le même toit et à moins de deux mètres de distance a été mal compris et difficile à faire respecter. Plusieurs personnes interrogées ont vu l’accès de leur accompagnateur refusé, notamment à l’épicerie et lors de rendez-vous médicaux pourtant essentiels. De plus, les bénévoles offrant des services d’accompagnement se sont faits moins nombreux depuis le début de la pandémie, de sorte que l’accès à ces services est devenu plus difficile.
« Il faut souvent argumenter avec les agents de sécurité qui ne comprennent pas notre réalité et qui nous disent que c’est la loi ! »
« J’ai vécu à quelques reprises : pourquoi lui a le droit d’avoir un accompagnateur et moi je ne peux pas faire l’épicerie avec ma mère ou mon mari ? »
« Je me suis fait apostropher une fois dans une épicerie parce que j’avais un accompagnateur avec moi, alors que c’est impossible pour moi de faire toute seule mes commissions. Depuis cet évènement, je traine toujours dans mon sac la lettre du Dr Horacio Arruda, qui confirme qu’une personne handicapée a le droit d’être accompagnée par une personne de soutien, même si elle ne réside pas à la même adresse. Si je suis apostrophée à nouveau, je pourrai sortir cette lettre pour faire valoir mon droit. »
« Avant la pandémie, un bénévole venait me chercher quelques fois par semaine pour aller marcher, mais ce service a été annulé depuis le mois de mars. Là où je reste, j’ai parfois essayé de sortir seul pour prendre une marche, mais le boulevard où j’habite n’a pas de trottoir et c’est beaucoup trop dangereux pour m’y promener seul. Donc si je n’ai personne pour m’accompagner, je ne peux tout simplement pas sortir de chez moi, même pas pour aller au dépanneur juste en face. Je suis comme un prisonnier. »
Transport
Utilisation du transport en commun
- 71 % des utilisateurs du transport en commun considèrent que l’accès est plus difficile depuis le début de la pandémie.
- 50 % des utilisateurs du transport en commun ne se sentent pas en sécurité lorsqu’ils l’utilisent.
Certains changements apportés dans le fonctionnement des transports en commun lors de la pandémie ont réduit leur accessibilité et augmenté l’anxiété des utilisateurs ayant une limitation visuelle. Le fait que le siège derrière le chauffeur, qui était réservé aux personnes en situation de handicap, ne soit plus accessible oblige les personnes à se déplacer vers l’arrière pour trouver un siège. De plus, certains autobus exigent que les passagers embarquent par la porte arrière alors que d’autres non, ce qui génère énormément d’incertitude. Les chiens guides, qui savaient où embarquer et où aller dans l’autobus avant la pandémie, sont moins en mesure de guider adéquatement leurs propriétaires. Plusieurs personnes interrogées ont mentionné qu’elles n’utilisent plus les transports en commun et recourent désormais davantage au transport adapté.
« Ne plus pouvoir utiliser le siège derrière le chauffeur est dommage, car de cette façon, le chien sait où aller et il ne gêne personne. Tenter de trouver un siège libre m’a causé bien des embarras. »
« Avant la pandémie, j’avais l’habitude de prendre l’autobus seule. Mais dans les derniers mois, je ne l’ai pris qu’une seule fois, car j’ai trouvé l’expérience très stressante. Avant, j’allais toujours m’assoir dans le siège réservé derrière le chauffeur, mais ce siège est maintenant bloqué à cause de la distanciation physique, et il n’est plus possible de l’utiliser. Il faut donc se déplacer dans l’autobus pour trouver une place. Quand vient le temps de sortir, si l’on est assis loin, il faut se lever pour se préparer à sortir quand l’autobus est encore en mouvement. Je ne suis pas du tout à l’aise dans l’autobus, car je ne sais pas combien de personnes il y a autour de moi et je n’ose pas toucher à rien. Ça me rend beaucoup plus anxieuse de me déplacer. »
Utilisation du transport adapté
- 50 % des utilisateurs du transport adapté considèrent que l’accès est plus difficile depuis le début de la pandémie.
- 23 % des utilisateurs du transport adapté ne se sentent pas en sécurité lorsqu’ils l’utilisent.
Lors des premiers mois de la pandémie, le service de transport adapté a été à l’arrêt complet dans certaines régions, de sorte que les personnes qui en avaient besoin étaient dépendantes de leurs proches pour effectuer des déplacements essentiels. Bien que le service a repris, il demeure souvent limité et peu flexible. De plus, le fait que les conducteurs ne débarquent plus toujours du véhicule pour guider le passager est problématique pour les personnes ayant une limitation visuelle qui ont besoin de cette aide. Il est aussi difficile pour elles de savoir si le conducteur et les autres passagers portent un masque ou non.
« J’essaie d’utiliser le transport adapté le moins souvent possible, juste pour me rendre à un rendez-vous médical par exemple. Je ne me sens pas rassurée dans la voiture, car je ne peux pas voir si le chauffeur ou la personne assise à côté de moi porte bien son masque. Et à mon âge, si j’attrape le virus parce que la personne à côté de moi ne portait pas bien son masque, je sais que je peux en mourir. »
Services de réadaptation en déficience visuelle
- 24 % des répondants n’ont pas eu accès aux aides visuelles dont ils avaient besoin lors de la pandémie.
- 25 % des répondants n’ont pas eu accès aux services de réadaptation en déficience visuelle dont ils avaient besoin lors de la pandémie.
- 56 % des répondants ont le sentiment d’avoir perdu des acquis dans leur processus de réadaptation et dans leurs techniques de déplacement en raison d’un manque de service ou de soutien lors de la pandémie.
L’accès aux services et aux aides visuelles offerts par les centres de réadaptation a grandement diminué lors de la pandémie. Les rendez-vous en personne ont été complètement suspendus dans certains centres, de même que les visites à domicile. Pour tenter de pallier ce manque de service, certains centres ont offert des consultations virtuelles, qui ne peuvent toutefois pas remplacer des rencontres en personne. De nouveaux délais ont aussi été générés par le fait que les personnes ne peuvent plus aller chercher directement aux centres les aides visuelles dont elles ont besoin. Par exemple, une personne interrogée a mentionné que sa canne blanche avait dû être livrée par la poste. De plus, l’arrêt du soutien à domicile et des services bénévoles à domicile prive les personnes qui recouraient à ces services avant la pandémie d’un soutien important à la vie quotidienne. L’arrêt des activités dans les centres de jour prive aussi les personnes d’un soutien important pour briser l’isolement.
« J’avais débuté une formation pour l’utilisation de l’ordinateur, mais tout a été suspendu à cause de la restriction des visites à la maison. Il y a moins de service qu’avant la pandémie du centre de réadaptation. Je dois être très patiente ! »
« Mes lunettes ont brisé pendant la pandémie et elles tenaient avec du ruban adhésif ! Puisqu’il n’était pas possible d’avoir un rendez-vous pour les faire réparer gratuitement au centre de réadaptation, j’ai dû payer moi-même au Greiche & Scaff. »
« Pendant les 4 premiers mois de la pandémie, aucun bénévole n’est venu chez moi. J’ai trouvé cette situation très angoissante, car j’ai été obligée de me débrouiller seule pour apprendre à faire une épicerie en ligne. »
« Avant la pandémie, j’avais l’habitude d’aller dans des activités au centre de jour, mais tout a été arrêté depuis le début de la pandémie. Ça fait très longtemps que je n’ai pas participé à une activité. »
Soins de santé
- 35 % des répondants nécessitant des soins en optométrie ou en ophtalmologie n’y ont pas eu accès lors de la pandémie.
- 36 % des rapportent que des soins et traitements de la vue dont ils avaient besoin ont été annulés ou reportés en raison de la pandémie.
- 39 % des répondants estiment que les soins de santé dispensés en mode virtuel ne sont pas adaptés à leurs besoins et à leur limitation visuelle.
Comme pour les services de réadaptation, l’accès aux soins spécialisés en optométrie ou en ophtalmologie et aux traitements de la vue a été considérablement réduit. Le fait que certains de ces services n’étaient déjà pas offerts dans certaines régions avant la pandémie a aussi complexifié l’accès, puisque les déplacements interrégionaux ont été restreints. Quelques personnes ont mentionné que la prise de rendez-vous par internet n’était pas nécessairement adaptée à leur limitation visuelle, ce qui restreint d’autant plus l’accès aux soins.
« J’habite en région et mon ophtalmologue est à Québec. Quand je dois aller le voir, j’ai besoin d’un guide et ce n’est pas toujours évident. J’ai pris sur moi d’annuler un de mes rendez-vous parce qu’il y avait une éclosion dans cet hôpital à ce moment-là, et j’avais peur que mon guide ou moi soyons contaminé. »
« J’habite en région et je suis suivi par un spécialiste à Montréal. Je devais avoir un rendez-vous en mai, mais il a été reporté en septembre. C’est beaucoup plus long pour obtenir un rendez-vous, et cela m’inquiète, car ma maladie peut se dégrader entretemps. »
« Étant donné que j’habite en région et que je dois voir un spécialiste à Montréal, j’utilisais normalement le transport interrégional. Mais depuis le début de la pandémie, le service a considérablement réduit et les trajets ne sont offerts que quelques fois par semaine, plutôt que plusieurs fois par jour. Je dois donc maintenant effectuer un séjour de plusieurs jours à Montréal, et assumer les frais d’hôtel et de restaurant, qui sont à ma charge. »
Soutien du revenu
- 50 % des répondants estiment que le paiement unique aux personnes en situation de handicap versé par le gouvernement fédéral, d’un montant de 600 $, n’est pas suffisant pour couvrir les dépenses supplémentaires encourues lors de la pandémie.
La pandémie a engendré des dépenses supplémentaires pour une partie des personnes ayant une limitation visuelle (frais d’adaptation du poste de travail à la maison, frais de déplacement plus élevés, etc.) Or, les personnes interrogées ont été nombreuses à dénoncer le manque de reconnaissance et de considération à l’égard de leurs besoins, en plus de la lenteur du processus de mise en place et de distribution de la prestation. Plusieurs personnes prestataires de l’aide sociale ont dû aussi composer avec une situation financière déjà précaire.
« Financièrement, c’est vraiment difficile. Le montant de 600 $ que l’on a reçu ne couvre rien du tout. Je pense qu’il faudrait prévoir des critères plus souples pour bénéficier des autres prestations de soutien au revenu, car les conditions de travail pour les personnes handicapées sont souvent plus précaires. Au moins pendant les crises, il faudrait avoir des mesures pour les personnes qui ont un handicap grave. »
« J’avais besoin d’une loupe électronique, mais impossible d’en obtenir une par le centre de réadaptation. J’ai dû payer 1400 $ de ma poche pour m’en procurer une et pouvoir me débrouiller seule chez moi. Les personnes handicapées, comme les personnes âgées dans les CHSLD, ne sont jamais prises en compte, et il ne reste jamais d’argent pour elles. »
« Le montant de 600 $ pour les personnes handicapées, c’est certain que c’est mieux que rien. Mais c’est arrivé tellement tard, qu’une personne qui en aurait vraiment eu besoin dès le début de la pandémie aurait mangé ses bas ! »
« J’ai trouvé dommage de devoir remplir plusieurs formulaires et fournir des preuves sur ma situation, alors que lorsque nous avons une attestation d’invalidité permanente, le processus devrait être automatique. J’ai l’impression que tout est fait pour que ce soit compliqué afin que le moins de personnes possible puissent demander de l’aide. »
Télétravail
- 38 % des répondants occupant un emploi ont rapporté que leur employeur n’a pas mis à leur disposition un poste de travail adapté pour le télétravail lors de la pandémie.
- 54 % des répondants occupant un emploi ont dû assumer personnellement des frais pour se procurer des outils de travail adaptés à leur limitation visuelle.
Dans la foulée des nouvelles mesures de télétravail obligatoire, une part importante des répondants occupant un emploi a dû assumer personnellement des frais pour adapter leur poste de travail à la maison.
« Mon employeur avait fourni un poste de travail adapté pour le bureau, mais pour les trois jours sur cinq où je travaille à distance, c’est moi qui ai acheté un ordinateur portable avec un énorme écran. »
Éducation postsecondaire à distance
- 34 % des répondants inscrits à des études postsecondaires estiment que la plateforme numérique de leur établissement d’enseignement n’est pas accessible.
- 34 % des répondants inscrits à des études postsecondaires ont rapporté que les documents, manuels et autres outils fournis par leur établissement d’enseignement ne sont pas accessibles.
- 21 % des répondants inscrits à des études postsecondaires estiment que les mesures sanitaires formulées par leur établissement d’enseignement ne sont pas accessibles.
Moins de la moitié des répondants inscrits aux études postsecondaires ont rapporté des problèmes d’accessibilité à la plateforme numérique de leur établissement d’enseignement et aux documents fournis dans leurs cours. La plateforme Zoom, largement utilisée, est globalement accessible pour les personnes ayant une limitation visuelle. Certaines fonctions (lever la main par exemple) nécessitent une formation particulière, ce qui alourdit la charge des étudiants. Les services d’adaptation technique demeurent en fonction depuis le début de la pandémie, bien que quelques personnes interrogées aient rapporté de plus longs délais. Les longues heures passées devant l’ordinateur sont aussi néfastes pour plusieurs personnes.
« J’ai éprouvé quelques difficultés au début avec l’utilisation de la plateforme Zoom, car je ne la connaissais pas du tout. J’ai pu avoir deux interventions en communication adaptée de la part de l’université pour m’aider à me familiariser avec la plateforme. Bien que cette plateforme soit accessible, je trouve qu’elle n’est pas toujours facile à utiliser quand on est non voyant. Par exemple, certaines fonctions, comme de lever la main, nécessitent des délais alors qu’elles sont automatiques pour les personnes qui voient. De plus, la synthèse vocale me dit à chaque fois que quelqu’un se connecte ou se déconnecte, ce qui nuit à ma concentration. »
« L’université fournit un service d’adaptation technique des livres et documents pour les personnes non voyantes. J’ai donc reçu quasiment tous les documents transmis par les professeurs en format accessible. »
« Avant la pandémie, j’avais juste à aller directement au bureau de la personne responsable des adaptations techniques et lui remettre les documents à adapter. C’est plus compliqué maintenant, car il faut trouver d’autres moyens pour transmettre les documents. Par exemple, je devais lire un livre pour un cours et j’avais donc besoin d’une version adaptée de ce livre. Cela a pris presque 3 semaines pour réussir à obtenir une copie électronique de ce livre de la part du fournisseur et l’adapter ensuite, ce qui a causé du retard dans ma lecture. »
État émotionnel
- 82 % des répondants se sentent plus isolés depuis le début de la pandémie.
- 71 % des répondants se sentent plus anxieux depuis le début de la pandémie.
- 68 % des répondants affirment qu’il leur est plus difficile de vivre avec une limitation visuelle depuis le début de la pandémie.
La pandémie et les mesures sanitaires qui en ont découlé ont généré des problématiques d’isolement et d’anxiété sans précédent. Les personnes ayant une limitation visuelle ont été particulièrement affectées. Le sentiment de perte d’autonomie, notamment pour se déplacer et pour réaliser les tâches du quotidien, a été soulevé par la plupart des personnes interrogées, de même que l’absence de contacts sociaux avec la famille, les bénévoles et autres intervenants. De plus, le fait que les mesures sanitaires n’ont pas nécessairement pris en compte les personnes ayant une limitation visuelle a fait en sorte qu’une grande majorité d’entre elles affirment qu’il leur est plus difficile de vivre avec une limitation visuelle depuis le début de la pandémie.
« Quand on est non-voyant, on s’adapte à toutes sortes de situations. Mais tout a changé depuis le début de la pandémie et il faut constamment trouver des solutions pour s’adapter et se débrouiller. Ça fatigue énormément. »
« Je me sens beaucoup plus isolée depuis le début de la pandémie. Étant aveugle, je sortais déjà beaucoup moins souvent que les autres et je suis habituée à vivre seule. Mais de perdre le peu de contact que j’avais avec les autres est difficile à vivre. Cet été par exemple, j’allais marcher à toutes les semaines avec des bénévoles, mais depuis les nouvelles restrictions de cet automne, ils ne viennent plus. Je ne sors quasiment plus. Je ne peux pas m’imaginer passer une autre année comme ça, à rester chez moi sans contact avec personne. »
« À force d’être enfermée chez moi entre quatre murs, je n’ai pas assez d’intensité de lumière, ce qui fait baisser ma vision. J’ai besoin d’aide pour des choses que je pouvais faire seule avant. C’est très difficile de constater cela et de ne pas pouvoir rien faire. »
« Une chance qu’il y a le Regroupement des personnes handicapées visuelles à Québec. La cuisine collective a été obligée d’arrêter ses activités, mais le regroupement est quand même venu nous livrer des mets cuisinés directement à la maison. J’ai vraiment apprécié cette attention. Quelqu’un pensait à nous. »
Partie 2 — Parents d’enfants ayant une limitation visuelle
Résumé
Prise en considération des besoins spécifiques de l’enfant
- 24 % des répondants ont le sentiment que les besoins spécifiques liés à la limitation visuelle de leur enfant n’ont pas été pris en considération par l’école dans le contexte de la pandémie.
Accessibilité des documents et autres outils
- 34 % des répondants affirment que les documents et autres outils fournis par l’école pour l’enseignement à distance ne sont pas accessibles.
- 75 % des répondants ont dû investir du temps pour rendre accessibles les documents et les outils fournis à leur enfant par l’école dans le cadre de l’apprentissage à distance.
- 65 % des répondants ont dû assumer personnellement des frais pour procurer à leur enfant les aides visuelles dont il a besoin pour poursuivre ses apprentissages à distance.
Plateforme de vidéoconférence
- 47 % des répondants affirment que la plateforme de vidéoconférence utilisée par l’enseignant de leur enfant dans le cadre de l’enseignement à distance n’est pas adaptée à sa limitation visuelle.
- 48 % des répondants rapportent ne pas avoir reçu le soutien nécessaire de la part du centre de réadaptation ou du milieu scolaire pour utiliser la plateforme de vidéoconférence et les outils fournis par l’école.
Réaménagement de la classe
- 12 % des répondants rapportent que la disposition physique de la classe, dans le contexte de la pandémie, n’est pas adaptée à la limitation visuelle de leur enfant.
- 16 % des répondants affirment que l’aménagement de l’espace de travail personnel de leur enfant, dans le contexte de la pandémie, n’est pas adapté à sa limitation visuelle.
Transport scolaire
- 14 % des répondants dont l’enfant utilise le transport scolaire estiment que celui-ci, dans le contexte de la pandémie, n’est pas adapté à la limitation visuelle de leur enfant.
Services de réadaptation en déficience visuelle
- 46 % des répondants affirment que leur enfant n’a pas eu accès aux services de réadaptation en déficience visuelle dont il avait besoin pendant la pandémie.
- 38 % des répondants ont le sentiment que leur enfant a perdu des acquis dans son processus de réadaptation et dans ses techniques de déplacement dans son environnement en raison d’un manque de service ou de soutien pendant la pandémie.
Soins de santé
- 26 % des répondants rapportent que leur enfant n’a pas eu accès aux soins en optométrie ou en ophtalmologie dont il avait besoin lors de la pandémie.
- 42 % des répondants affirment que des soins et traitements de la vue dont leur enfant avait besoin ont été annulés ou reportés en raison de la pandémie.
- 14 % des répondants ont éprouvé des difficultés à accompagner leur enfant lors de ses rendez-vous pour des soins et traitements de la vue.
Loisirs adaptés
- 77 % des répondants affirment que leur enfant n’a pas eu accès à des loisirs adaptés pendant la pandémie.
État émotionnel de l’enfant
- 80 % des répondants affirment que leur enfant se sent plus isolé depuis le début de la pandémie.
- 59 % des répondants affirment que leur enfant se sent plus anxieux depuis le début de la pandémie.
- 46 % des répondants affirment qu’il est plus difficile pour leur enfant de vivre avec une limitation visuelle depuis le début de la pandémie.
État émotionnel du parent
- 56 % des répondants affirment se sentir plus anxieux depuis le début de la pandémie en raison des difficultés supplémentaires vécues par leur enfant.
Méthodologie
La deuxième partie de l’étude visait les parents d’enfants d’âge primaire et secondaire ayant une limitation visuelle.
Un sondage comprenant 24 questions a été réalisé. Parmi ces questions, quatre concernaient le profil démographique des enfants, 19 les problématiques vécues lors de la pandémie et une question était ouverte, de sorte que les répondants pouvaient, s’ils le souhaitaient, partager une expérience ou mentionner des éléments qui n’auraient pas été abordés dans le sondage.
Les questions étaient présentées principalement sous forme d’affirmations, pour lesquelles les répondants devaient indiquer s’ils sont en accord ou non. Dans le cas où une affirmation ne concernant pas la situation particulière d’un répondant, il pouvait cocher la réponse « Ne sais pas/ne s’applique pas à ma situation ».
Le sondage a été mis en ligne par le RAAQ et a ensuite été diffusé à l’ensemble des associations membres du RAAQ à travers la province ainsi que sur le site internet et la page Facebook du regroupement.
Les réponses ont été collectées entre le 23 novembre 2020 et le 23 décembre 2020.
Profil démographique
Nombre de répondants
27 personnes ont répondu au sondage.
Proportion de répondants par région
Bas-Saint-Laurent | 0 % |
Saguenay–Lac-Saint-Jean | 0 % |
Capitale-Nationale | 21 % |
Mauricie | 0 % |
Estrie | 0 % |
Montréal | 13 % |
Outaouais | 17 % |
Abitibi-Témiscamingue | 0 % |
Côte-Nord | 0 % |
Nord-du-Québec | 0 % |
Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine | 0 % |
Chaudière-Appalaches | 17 % |
Laval | 4 % |
Lanaudière | 0 % |
Laurentides | 13 % |
Montérégie | 17 % |
Centre-du-Québec | 0 % |
Proportion de répondants selon le niveau scolaire de leur enfant
Primaire | 56 % |
Secondaire | 44 % |
Proportion de répondants selon le type de classe de leur enfant
École à la maison | 4 % |
Classe ordinaire | 74 % |
Classe spécialisée | 19 % |
École spécialisée | 4 % |
Proportion de répondants selon le niveau de vision de leur enfant
Basse vision | 76 % |
Fonctionnellement aveugle avec résidu visuel | 12 % |
Cécité totale | 12 % |
Résultats
Éducation et accessibilité
Prise en considération des besoins spécifiques de l’enfant
- 24 % des répondants ont le sentiment que les besoins spécifiques liés à la limitation visuelle de leur enfant n’ont pas été pris en considération par l’école dans le contexte de la pandémie.
La pandémie a exacerbé les problématiques d’intégration et d’accessibilité pour les élèves ayant une limitation visuelle, lesquelles étaient déjà bien présentes dans le milieu scolaire avant le début de la crise sanitaire. Les directions d’écoles et le personnel enseignant ne sont pas toujours suffisamment sensibilisés et formés au handicap visuel et aux mesures d’accompagnement nécessaires, de sorte que les besoins particuliers de ces élèves sont parfois incompris, voire occultés. Les parents ressentent donc un manque de soutien de la part de l’école qui, en temps de pandémie et particulièrement lors de la fermeture des écoles, alourdit la charge d’accompagnement des parents. De plus, il est beaucoup moins évident pour les parents d’expliquer par courriel ou par Zoom les adaptations qui sont nécessaires pour leur enfant, puisque l’idéal est de pouvoir le montrer directement dans le milieu scolaire. Le sondage révèle également que les parents sont inquiets que les services d’accompagnement en déficience visuelle qui sont dispensés à l’école ne soient plus accessibles pendant la crise.
« Je constate qu’il y a beaucoup de bienveillance de la part des enseignants lorsqu’il est possible de leur parler, mais il y a aussi beaucoup de dénis des handicaps visuels par manque de formation, ce qui nuit à la motivation et à l’estime du jeune. L’éthique professionnelle peut même être remise en compte. Tous se renvoient la balle au niveau des solutions d’appui et il n’est pas évident de savoir qui est imputable. »
« En raison de la limitation visuelle de mon fils, nous ne savions pas comment l’établissement scolaire arriverait à fournir des services adaptés et efficaces à notre enfant, qui est normalement accompagné en tout temps et quotidiennement par une technicienne en éducation spécialisée, en plus de tous les outils tactiles et documents adaptés. D’ailleurs nous ne le savons toujours pas, donc s’il y a un autre confinement et fermeture d’école, nous n’avons aucune assurance que notre enfant handicapé sera bien accompagné comme il se doit. Dans le meilleur des mondes, le système scolaire et gouvernemental devrait rassurer les parents et assurer la prestation de services (au même niveau/même qualité) afin d’enlever le stress de “ne pas savoir” advenant un autre confinement. »
« Il y a eu des coupures de services dans les écoles pour les enfants handicapés. Le Service suprarégional de soutien et d’expertise en déficience visuelle ne se déplace plus pour évaluer les besoins et faire des recommandations si l’enfant est en réussite. L’enfant doit être en échec pour se mériter des services adaptés et recevoir de l’aide à l’école. »
« L’école reproche au parent de faire des demandes excessives pour des droits de base. On a l’impression que c’est le parent qui doit s’assurer que l’enfant reçoit bien les adaptations visuelles nécessaires et qui doit tout surveiller. C’est un processus sans fin. »
Accessibilité des documents et autres outils
- 34 % des répondants affirment que les documents et autres outils fournis par l’école pour l’enseignement à distance ne sont pas accessibles.
- 75 % des répondants ont dû investir du temps pour rendre accessibles les documents et les outils fournis à leur enfant par l’école dans le cadre de l’apprentissage à distance.
- 65 % des répondants ont dû assumer personnellement des frais pour procurer à leur enfant les aides visuelles dont il a besoin pour poursuivre ses apprentissages à distance.
L’un des problèmes majeurs qui ont été soulevés est la difficulté d’avoir accès à des documents et à des outils pédagogiques adaptés aux besoins des élèves ayant une limitation visuelle, ce qui risque d’entrainer une perte d’acquis chez certains d’entre eux. Pour des raisons sanitaires, des élèves se sont vus refuser l’accès aux outils en braille, aux documents agrandis et aux livres à gros caractères de leur école, qui sont pourtant essentiels à la poursuite de leurs apprentissages. La plateforme éducative mise en place par le gouvernement au moment de la fermeture des écoles n’était pas non plus accessible et se contentait de référer les élèves vers des sites externes qui étaient pour la plupart inaccessibles. De même, les travaux demandés par les professeurs dans le cadre de l’enseignement à distance ne sont pas toujours sur des sites internet pouvant être agrandis. Par conséquent, la grande majorité de répondants a dû investir du temps et assumer des frais pour que leur enfant dispose d’outils pédagogiques adaptés à sa limitation visuelle.
« Le gros point négatif de cette pandémie est que mon enfant a perdu des acquis puisqu’elle n’avait plus accès à du matériel en braille pendant la pandémie. La directrice de l’école a le choix de fournir ou non les livres adaptés à l’élève et les bibliothèques ne pouvaient plus livrer de livres en braille. D’autres élèves que nous connaissons dans une autre région avaient reçu leurs livres puisque les directrices de ces écoles reconnaissaient l’importance d’avoir du matériel en braille. »
« L’année scolaire dernière, pendant le confinement, j’ai dû faire moi-même des documents adaptés pour l’apprentissage de ma fille alors que les livres en braille étaient à l’école et que la directrice ne voulait pas nous les donner. J’ai aussi payé une orthopédagogue 3 heures par semaine pour enseigner le français à ma fille. »
« Les années avant le confinement, le personnel de l’école s’obstinait à donner à ma fille des documents réguliers imprimés puisqu’on disait qu’elle devait être autonome et se pratiquer à lire les petits caractères comme les autres élèves alors qu’elle est légalement aveugle depuis l’âge de deux ans. Je devais donc faire moi-même des documents adaptés et refaire l’enseignement au complet à la maison. Nous avions donc l’habitude. »
Plateforme de vidéoconférence
- 47 % des répondants affirment que la plateforme de vidéoconférence utilisée par l’enseignant de leur enfant dans le cadre de l’enseignement à distance n’est pas adaptée à sa limitation visuelle.
- 48 % des répondants rapportent ne pas avoir reçu le soutien nécessaire de la part du centre de réadaptation ou du milieu scolaire pour utiliser la plateforme de vidéoconférence et les outils fournis par l’école.
Près de la moitié des répondants ont rapporté des problèmes en lien avec l’accessibilité de la plateforme de vidéoconférence. Selon les personnes interrogées, ce ne sont pas toutes les écoles qui ont offert des formations Zoom adaptées pour les élèves non-voyants. De plus, ces élèves nécessitent davantage de soutien pour utiliser ces technologies, ce qui crée une charge supplémentaire pour les parents, notamment ceux qui sont moins à l’aise avec celles-ci.
« Pendant la pandémie, la formation scolaire se faisait par Zoom. Une intervenante du centre de réadaptation de ma région a contacté la directrice de l’école de ma fille pour lui dire que ce n’était pas adapté et que ma fille n’avait pas les connaissances informatiques pour suivre les cours. Malgré nos demandes pour avoir de la formation adaptée, nous n’avons jamais eu de réponse à nos courriels de la part de la directrice. À la fin de l’année, à notre grande surprise, la directrice a mis un échec à notre fille. Là encore, nous avons tenté de la joindre pour avoir des détails et elle ne nous a pas répondu. Nous avons contacté la protectrice de l’élève de la commission scolaire, qui nous a dit que la directrice a le droit de faire couler un élève sans nous en informer d’avance et sans nous donner la raison par la suite. »
Réaménagement de la classe
- 12 % des répondants rapportent que la disposition physique de la classe, dans le contexte de la pandémie, n’est pas adaptée à la limitation visuelle de leur enfant.
- 16 % des répondants affirment que l’aménagement de l’espace de travail personnel de leur enfant, dans le contexte de la pandémie, n’est pas adapté à sa limitation visuelle.
Seule une minorité de répondants ont rapporté des problématiques en lien avec le réaménagement de la classe de leur enfant à la réouverture des écoles.
« À l’école, le fait que les activités du service de garde (jeux, dîner, etc.) se passent maintenant dans la même classe facilite l’orientation de ma fille, qui est non-voyante. »
Transport scolaire
- 14 % des répondants dont l’enfant utilise le transport scolaire estiment que celui-ci, dans le contexte de la pandémie, n’est pas adapté à la limitation visuelle de leur enfant.
Avant même le début de la pandémie, toutes les écoles n’offraient pas un service de transport adapté pour les élèves en situation de handicap visuel. Selon les témoignages recueillis, certaines écoles ont réduit l’offre de transport régulier et adapté après le premier confinement, ce qui encore une fois reporte la charge d’accompagnement sur les épaules des parents.
« Dans ma région, ma fille n’avait pas de transport adapté pour se rendre à son école primaire. La directrice de l’école estimait que ma fille devait être autonome et trainer sa grosse valise à roulettes dans la neige et dans l’autobus scolaire. À la reprise de l’école après le confinement, elle n’avait tout simplement pas de transport scolaire. »
Services de réadaptation en déficience visuelle
- 46 % des répondants affirment que leur enfant n’a pas eu accès aux services de réadaptation en déficience visuelle dont il avait besoin pendant la pandémie.
- 38 % des répondants ont le sentiment que leur enfant a perdu des acquis dans son processus de réadaptation et dans ses techniques de déplacement dans son environnement en raison d’un manque de service ou de soutien pendant la pandémie.
Les services de réadaptation ont été suspendus pendant la pandémie, de même que les activités dans certains organismes communautaires qui offraient des services de soutien aux enfants ayant une déficience visuelle. Ce manque de service engendre des retards importants dans la prise en charge des enfants et dans leur processus d’adaptation, ainsi qu’une perte d’acquis. De plus, la pandémie a exacerbé le manque de ressources dans les régions éloignées des grands centres urbains, où l’accès était déjà problématique avant le début de la crise sanitaire. Quelques répondants ont dû recourir à des services privés pour pallier le manque de services publics.
« Avec ou sans pandémie, depuis plusieurs années, beaucoup de parents d’enfants handicapés visuels déménagent à Québec ou à Montréal pour avoir des services adéquats. Toutefois, le déménagement est très coûteux et n’est pas toujours une solution pour plusieurs familles. De notre côté, nous sommes déménagés à Québec. Ça ne fait pas une grosse différence dans notre vie personnelle, mais ça fait une grande différence dans la vie de notre fille. Il est malheureux que les enfants habitant en région aient moins de services que les enfants habitant à Montréal ou Québec. »
Soins de santé
- 26 % des répondants rapportent que leur enfant n’a pas eu accès aux soins en optométrie ou en ophtalmologie dont il avait besoin lors de la pandémie.
- 42 % des répondants affirment que des soins et traitements de la vue dont leur enfant avait besoin ont été annulés ou reportés en raison de la pandémie.
- 14 % des répondants ont éprouvé des difficultés à accompagner leur enfant lors de ses rendez-vous pour des soins et traitements de la vue.
Les soins de santé spécialisés, comme les services de réadaptation, ont été considérablement réduits. Près de la moitié des répondants rapportent que des soins et traitements de la vue dont leur enfant avait besoin ont été annulés ou reportés en raison de la pandémie. Une minorité de parents a aussi éprouvé des difficultés pour accompagner leur enfant lors de ses rendez-vous.
Loisirs adaptés
- 77 % des répondants affirment que leur enfant n’a pas eu accès à des loisirs adaptés pendant la pandémie.
L’offre de loisirs adaptés pour les enfants ayant une limitation visuelle a considérablement diminué depuis le début de la pandémie, de même que les activités communautaires, dont certaines sont complètement à l’arrêt. Des camps d’été spécialisés par exemple n’ont pas été en mesure d’accueillir les enfants ayant un handicap en raison du coût trop élevé de l’application des mesures sanitaires. Ces activités sont pourtant essentielles au développement des enfants, et permettent également d’offrir un répit aux parents.
État émotionnel de l’enfant
- 80 % des répondants affirment que leur enfant se sent plus isolé depuis le début de la pandémie.
- 59 % des répondants affirment que leur enfant se sent plus anxieux depuis le début de la pandémie.
- 46 % des répondants affirment qu’il est plus difficile pour leur enfant de vivre avec une limitation visuelle depuis le début de la pandémie.
La pandémie et les mesures sanitaires qui en ont découlé ont chamboulé le quotidien de tous les enfants, notamment ceux ayant une limitation visuelle. Le fait que plusieurs d’entre eux ont été privés de soutien de la part du système scolaire et des services de réadaptation a certainement contribué à renforcer le sentiment d’isolement de ces enfants. Leurs besoins particuliers n’ont pas été suffisamment pris en compte, de sorte que près de la moitié des répondants affirment qu’il est plus difficile pour leur enfant de vivre avec une limitation visuelle depuis le début de la pandémie.
« La pandémie a fait en sorte que mon enfant ne peut plus participer à des activités sportives ou artistiques et ne voit plus personne de son âge. Les activités sont déjà limitées pour lui en raison de son handicap visuel, et c’est maintenant plus difficile. Je trouve ça très triste. »
État émotionnel du parent
- 56 % des répondants affirment se sentir plus anxieux depuis le début de la pandémie en raison des difficultés supplémentaires vécues par leur enfant.
Les difficultés supplémentaires vécues par les enfants ayant une limitation visuelle depuis le début de la pandémie génèrent de l’anxiété chez leurs parents, dont plus de la moitié se sentent plus anxieux en raison de ces difficultés. Le manque de soutien et de services adaptés alourdi la charge des parents, qui doivent composer tant bien que mal avec cette situation.
« J’ai l’impression de devoir me battre constamment pour défendre les droits de base de mon enfant afin qu’il ait accès à des services adéquats. C’est épuisant. »
Conclusion
Ce rapport de recherche a mis en évidence des problématiques majeures qui ont exacerbé la situation de handicap des personnes ayant une limitation visuelle, quel que soit leur âge. Les gouvernements ont négligé les besoins et les réalités de ce pan entier de la population, ce qui a entrainé de lourdes conséquences dont les effets à long terme ne commencent qu’à se faire ressentir. Il est grand temps que les gouvernements prennent conscience de ces enjeux et posent des gestes concrets pour faire respecter les droits des personnes vivant avec un handicap.
Le RAAQ tient à remercier toutes les personnes qui ont généreusement donné de leur temps pour répondre aux sondages et participer aux entrevues.