2023 – Les trottinettes électriques et autres appareils de transport personnel motorisés (ATPM)

Coordination : Antoine Perreault

Rédaction : Laëtitia Larabi

Révision de texte : Liliana Turcanu

RAAQ

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Juillet 2023

Avant-propos

Depuis 15 ans, les appareils de transport personnel motorisés (ATPM) sont apparus sur les routes du Québec. Ces appareils ont été commercialisés et sont apparus dans l’espace public avant même que ne soient vérifiés les aspects de sécurité liés à leur utilisation. Plusieurs projet-pilote sur les trottinettes électrique étaient en cours quand soudainement, le gouvernement du Québec a décidé de tous les annulé sans attendre de résultat pour les remplacer par une légalisation des trottinettes électriques et autres ATPM sur les routes du Québec, pour une durée de trois ans.

Devant cette situation inquiétante pour les piétonnes et les piétons vulnérables du Québec, le RAAQ souhaite présenter certaines considérations importantes concernant ces modes de déplacements.

Définitions et classification des ATPM

Au sens large, les ATPM regroupent une vaste gamme d’appareils électriques conçus pour un usage ludique ou employés comme moyen de transport alternatif en milieu urbain. Ils sont utilisables par l’ensemble de la population et ont des caractéristiques et des performances très variées. Parmi les ATPM, on retrouve par exemple les gyropodes électriques, les trottinettes électriques ou les monoroues électriques (pour ne citer que ceux-là). Les appareils motorisés qui permettent que l’usager utilise sa propre force de propulsion sont excluent de la catégorie des ATPM.

Distinction entre les ATPM et les AMM

Étant donné que certaines caractéristiques des aides à la mobilité motorisées (AMM) et des ATPM se chevauche, il est important de les différencier.

Contrairement aux ATPM, les AMM ne sont pas destinées au grand public, mais elles sont conçues spécifiquement pour pallier une incapacité à la marche. Elles regroupent trois catégories d’appareils bien précis, soit les fauteuils roulants motorisés, les triporteurs et les quadriporteurs. Selon les règles édictées par le ministère des Transports du Québec (MTQ) , les AMM sont autorisées à circuler sur le trottoir, la chaussée et les pistes cyclables. Notre mémoire ne concerne pas les AMM et ne remet pas en cause les règles de circulation qui leur sont appliquées.

Accidentologie

Avec l’apparition des trottinettes en libre-service dans de nombreuses métropoles depuis la dernière décennie, plusieurs études internationales se sont penchées sur les données relatives aux traumatismes et aux hospitalisations à la suite d’accidents de trottinettes électriques.

Des chercheurs de l’Université de Californie à Los-Angeles (UCLA) ont analysé, sur une période de six ans, le taux de blessures causées par des accidents de trottinettes électriques, l’estimant à 115 blessures pour un millions de trajets, ce qui est supérieur aux taux nationaux concernant les motos (104 pour un million), les vélos (15 pour un million), les automobiles (8 pour un million) ou les trajets à pieds (2 pour un million).

Toujours aux États-Unis, les données du National Electronic Injury Surveillance System relèvent une hausse de 222 % du nombre de blessés en trottinettes entre 2014 et 2018.

En France, l’Académie nationale de médecine considère désormais l’accidentologie des trottinettes comme un « problème sanitaire majeur ». Dans un rapport publié en novembre 2022, elle souligne une augmentation de 180 % du nombre de blessés en trottinettes entre août 2021 et juillet 2022 par rapport à 2019, ce qui pousse ce pays à revoir sa règlementation touchant les ATPM. Actuellement, les appareils susceptibles d’aller à plus de 25 km/h doivent être immatriculés, mais face à la recrudescences des accidents, un projet de loi est présentement à l’étude, prévoyant l’immatriculation de tout « véhicule terrestre à moteur dont la vitesse peut, par la seule force du moteur, atteindre 15 km/h ».

Si la plupart des accidents recensés sont provoqués par des chutes individuelles, les accidents impliquant une collision avec d’autres véhicules ou avec des piétons n’en sont pas moins négligeables. En effet, selon l’étude de l’UCLA, 8 % des personnes blessées dans des accidents de trottinette étaient des piétons heurtés par ces engins. Ces véhicules électriques n’émettant que peu de bruit, ils sont particulièrement dangereux pour les piétons et les piétonnes handicapées visuelles qui ne peuvent pas les entendre arriver.

Projet pilote 2018-2023 relatif aux trottinettes électriques

Comme les ATPM ne faisaient l’objet d’aucune règlementation dans le Code de la sécurité routière (CSR), ils ne pouvaient pas circuler sur un chemin public, une piste cyclable ou un trottoir.

Le 5 octobre 2018, un projet pilote administré par la SAAQ a été déployé pour permettre l’utilisation de certains modèles de trottinettes sur les voies publiques et les pistes cyclables, à conditions que leurs propriétaires circulent avec une autorisation et qu’ils aient au préalable suivi une formation. Seules les trottinettes de la marque Geebee étaient inscrites à ce projet pilote et étaient autorisées à circuler sur le réseau routier québécois en suivant les règles qui s’appliquent aux vélos.

De par leurs caractéristiques, ces trottinettes visées par le projet pilote de la SAAQ devaient avoir les caractéristiques suivantes :

  • Elles sont munies de 2 roues placées sur le même axe longitudinal dont le diamètre de jante est d’au moins 250 mm et d’une plateforme d’au moins 250 mm de largeur, d’au moins 300 mm de longueur entre les 2 roues et d’au plus 150 mm de hauteur du sol, et possèdent un empattement d’au moins 1 m;
  • Elles sont munies d’un moteur électrique d’au plus 500 W qui permet une vitesse maximale de 32 km/h;
  • Elles sont munies de 2 feux de changement de direction, jaunes ou blancs, placés à l’avant, et de 2 feux de changement de direction, rouges ou jaunes, placés à l’arrière, ou de 2 feux de changement de direction jaunes, visibles de l’avant et de l’arrière.

Projet pilote 2023-2026 relatif aux ATPM

À la surprise générale et sans consultation, le gouvernement du Québec décide d’implanter un deuxième projet pilote sans attendre la conclusion du comité d’expert de la SAAQ et du MTQ qui devait être publié à la fin du premier projet pilote le 13 septembre 2023. Plus ouvert que le premier et effectif à partir du 20 juillet 2023, les trottinettes électriques et plusieurs types d’ATPM pourront rouler sur les routes de 50 km/h et moins avec les même contraintes qu’un vélo.

Ajoutons que les restrictions imposées aux appareils sont beaucoup moins contraignantes qu’avant :

  • Être limitée à une vitesse de 25 km/h électroniquement;
  • Avoir une puissance maximale de 500 watts;
  • Avoir des roues d’un diamètre minimal de 190 mm;
  • Avoir une masse maximale de 36 kg;
  • Avoir des réflecteurs et des phares blancs à l’avant et rouges à l’arrière.

Le projet pilote 2023-2024 semble avoir été largement bâclé et les commentaires négatifs fusent. Les personnes utilisant des gyroroue, pourtant explicitement inclus dans ce projet pilote, mentionne que la vitesse de 25 km/h est irréaliste pour elles puisque c’est trop lent pour permettre à ce genre de véhicule de garder l’équilibre. L’Association des réseaux cyclables du Québec souligne un manque de communication et prévoit des problèmes de cohabitation.

Inquiétudes concernant l’intégration des ATPM au code de sécurité routière

Au fil de son analyse, le RAAQ a identifé plusieurs problèmes à la présence des ATPM sur le réseau routier du Québec :

  • La largeur des ATPM peut s’avérer un problème sur certaines pistes cyclables et certains trottoirs, surtout si ceux-ci sont fortement achalandées ou s’il est impossible d’y effectuer un dépassement. L’Association des réseaux cyclables du Québec a d’ailleurs publiquement souligné les enjeux de cohabitation que cela pourrait soulignés.
  • À l’instar des vélos, la rareté et la discontinuité des bandes cyclables pourraient forcer les utilisateurs d’ATPM à aller sur les trottoirs, ce qui constituerait un grave danger pour les piétons.
  • La plupart des ATPM sont plus lourds qu’un vélo. Les bicyclettes pèsent en général moins de 20 kg, tandis qu’une trottinette électrique conforme au projet pilote 2023-2026 peut peser jusqu’à 36 kg. Le risque de causer des dommages corporels est donc élevé en cas de collision avec un usager non-motorisé. Ajoutons que le différentiel de vitesse entre les ATPM et les usagers non-motorisés vient décupler la gravité d’une éventuelle collision entre ces deux types d’usagers.
  • Les ATPM sont pratiquement inaudibles. Ils posent donc un problème de sécurité important pour les autres usagers qui, par exemple, ne pourraient les entendre arriver par l’arrière. Le risque est encore plus grand pour un piéton handicapé visuel qui serait amené à croiser un ATPM.
  • Il est inquiétant de constater que le Québec décide d’élargir largement l’accès aux ATPM alors que Paris vient tout juste de terminer un référendum ou 90% de personnes votantes ont décidé d’interdire les trottinettes en libre service, notamment parce que les personnes conduisant ce genre d’appareil ont des comportements dangereux sur les routes.
  • Quant au projet pilote relatif aux trottinettes électriques en location libre-service, des expériences fâcheuses à Ottawa et à Montréal ont démontré que des trottinettes mal stationnées empiétaient sur le corridor piétonnier, voire roulaient carrément sur les trottoirs, ce qui constitue une entrave à la circulation des piétons ainsi qu’un danger pour leur sécurité, a fortiori pour les piétons à mobilité réduite. Du reste, rappelons-nous que même si la ville de Montréal avait mis en place des points d’ancrage pour stationner ces engins de manière sécuritaire, « seulement 20 % des trottinettes avaient été stationnées dans ces aires réservées ».

Position du RAAQ

Les ATPM sont des véhicules-jouets qui devraient uniquement être autorisés à circuler sur des espaces privés en dehors du réseau routier, à la discrétion des propriétaires et des gestionnaires de ces espaces.

Enfin, si malgré nos recommandations les trottinettes électriques étaient autorisées à circuler dans l’espace public, dans la mesure où nous les considérons comme des cyclomoteurs, elles devraient être immatriculées. Cela atténuerait leur dangerosité, en diminuant la quantité de fois où elles pourraient entrer en interaction avec les piétons. En outre, si les trottinettes étaient plaquées, les dommages corporels causés par ces engins en cas d’accident seraient assurés par la SAAQ.

Références et documentation