2017- Les rentes d’invalidité de la Régie des rentes du Québec

2017-01-20

Déposé par le Regroupement des aveugles et amblyopes du Québec

dans le cadre de la consultation publique Consolider le Régime de rentes du Québec pour renforcer l’équité intergénérationnelle

Avant-propos

Nous profitons de la tenue de cette consultation pour souligner le fait que les délais accordés sont extrêmement courts compte tenu de l’ampleur et de la complexité des dossiers en jeu. La population devrait disposer de plus de temps pour produire les documents de référence les plus complets possibles. Dans le même ordre d’idées, une consultation publique aurait été nettement préférable à une consultation particulière afin de permettre à l’ensemble de la population et à ses représentants d’être entendus.

Le présent mémoire est déposé par le RAAQ dans le cadre de la consultation Consolider le Régime de rentes du Québec pour renforcer l’équité intergénérationnelle lancée par la Commission des finances publiques. Selon Retraite Québec, cette consultation repose sur trois grands principes :

1. l’équité intergénérationnelle;

2. la pérennité du Régime par l’assurance d’un taux de cotisation stable;

3. la capacité de payer des travailleuses et travailleurs, et des entreprises.

Or, selon notre organisme, un principe essentiel devrait s’ajouter à cette liste : la non-discrimination des personnes. Le présent mémoire se base sur ces importants principes et vise à dénoncer l’iniquité d’une modification appliquée par la Régie des rentes du Québec (RRQ)1 envers les bénéficiaires de la rente d’invalidité (RI). En effet, le gouvernement du Québec a apporté une modification importante à la RI des années après sa création qui a des répercussions négatives sur les bénéficiaires de la RI et qui va même à l’encontre des objectifs poursuivis lors de l’instauration de cette dernière.

En 1997, le Québec décida d’appliquer aux bénéficiaires de la RI la même pénalité que celle imposée aux bénéficiaires ayant choisi de prendre une retraite hâtive. Comme pour les personnes ayant décidé de se prévaloir de leur rente de retraite (RdR) dès l’âge de 60 ans, on impose aux personnes recevant une RI entre 60 et 65 ans une pénalité de 0,5 % par mois où elles ont touché leur rente, la réduisant d’un montant pouvant aller jusqu’à 30 % de celle-ci à partir de 65 ans. Notons que cette pénalité augmentera graduellement pour atteindre 38 % en 2018.

Selon les informations fournies par la RRQ dans une lettre de 2012, la raison principale ayant motivé l’application de cette mesure était la situation financière difficile de l’époque qui nécessitait de faire des choix afin d’assurer la pérennité des fonds existants. Par ailleurs, la RRQ affirme que cette pénalité est compensée par le supplément de revenu garanti (SRG) reçu par les bénéficiaires lorsqu’ils atteignent 65 ans.

Rappelons d’abord que ce mémoire concerne des personnes dont les limitations sont sévères et dont le vieillissement prématuré a comme effet d’amplifier les incapacités et d’exacerber les souffrances. De plus, elles ont dans la plupart des cas travaillé moins longtemps et, par conséquent, ont eu moins de possibilités d’épargner en vue de leur retraite.

D’une part, il nous apparait nécessaire de dénoncer l’application uniforme d’une pénalité à l’ensemble des bénéficiaires alors qu’il est clairement démontré que les bénéficiaires de la RdR font un choix éclairé de prendre une retraite hâtive. Pour leur part, les bénéficiaires de la RI ne peuvent cesser de vivre avec une limitation grave et permanente de 60 à 65 ans. Ils n’ont donc d’autre choix que de subir cette injuste pénalité, ce qui nous semble démontrer l’inadéquation de la visée d’équité entre les travailleurs soutenue par Québec pour justifier cette modification.

D’autre part, soulignons que contrairement à ce qui est avancé par la RRQ pour justifier l’application de la pénalité aux bénéficiaires de la RI, les pertes encourues par les bénéficiaires ne sont pas ou que très partiellement compensée par le SRG lorsqu’elles atteignent 65 ans. Et même si les personnes n’avaient à absorber qu’une petite partie de la pénalité, comment une telle diminution de leurs revenus de retraite pourrait-elle être justifiée?

Dans les faits, l’aggravation souvent exponentielle de la condition de santé des personne vieillissantes vivant avec une limitation est généralement accompagnée d’une augmentation de coûts associés à leurs soins. Ainsi, les bénéficiaires devraient avoir accès à des revenus supplémentaires pour faire face aux coûts grandissants engendrés par leur condition de santé plutôt que d’être pénalisés comme ils le sont actuellement. Alors que les bénéficiaires de la rente de retraite font un choix éclairé de prendre une retraite hâtive, les bénéficiaires de la RI ne peuvent cesser de vivre avec une limitation grave et permanente entre 60 et 65 ans. Ils n’ont donc d’autre choix que de subir cette injuste pénalité.

Nous avons tout lieu de croire que la décision de procéder à un tel changement a été prise sans consultation auprès des associations représentant les personnes susceptibles d’être touchées. La décision a aussi vraisemblablement été prise sans évaluer toutes les conséquences négatives que la perspective de pénalité financière à 65 ans pouvait avoir sur le processus de maintien ou de retour au travail des personnes que nous représentons. Il y a lieu de se demander à quoi auraient servi tous les efforts consacrés par la société québécoise à l’intégration socioprofessionnelle des personnes handicapées au cours des trente dernières années s’il s’avérait qu’elles se retrouvent plus pauvres à la retraite.

Lors de l’instauration de la mesure, il n’y avait pas autant de personnes de 60 ans vivant avec un handicap lourd et bénéficiant d’une espérance de vie pratiquement comparable à celle des autres retraités. Toutefois, nous réalisons que ces dispositions deviennent de plus en plus appliquées, car c’est la première fois dans l’Histoire qu’un aussi grand nombre ont eu accès au marché du travail et approchent de 65 ans. Il faut donc revoir les critères en fonction de la réalité actuelle. 3

En définitive, nous soutenons que les changements que nous demandons ne représenteraient pas un cout démesuré pour la RRQ et permettraient de rétablir l’esprit de la rente initiale de la RI tout en constituant des mesures essentielles pour les personnes que nous représentons.

Voici donc nos demandes 

1) Les bénéficiaires de la RI ne doivent plus être soumis à la pénalité découlant de la modification de 1997 lorsqu’ils atteignent 65 ans, incluant ceux recevant actuellement une rente réduite à la suite de la pénalité.

2) Les bénéficiaires ayant déjà été victimes de la pénalité doivent obtenir un remboursement rétroactif des pertes encourues.

C’est une question d’équité et de respect.